Le recours systématique à une même famille de molécules peut entraîner un phénomène de résistance chez les parasites gastro-intestinaux. Les benzimidazoles ne sont aujourd’hui plus utilisés pour cette raison, et des cas de résistance à l'ivermectine ont récemment été signalés pour la première fois dans des élevages ovins laitiers. Chez les petits ruminants, la transhumance, le partage de pâturages et l'introduction d'animaux sont des facteurs de risque supplémentaires de diffusion de nématodes résistants.

Mais ce problème, bien que préoccupant, n’est pas toujours la cause du manque d’efficacité d’un traitement anthelminthique. L’échec d’un traitement antiparasitaire n’a, en effet, pas forcément pour origine une résistance. Il peut aussi provenir d’une sous-exposition, qui revient à un sous-dosage, lié à la voie d’administration. C’est ce qu’a mis en lumière une étude menée par des chercheurs de l’école nationale vétérinaire, dans le cadre du suivi d’un troupeau d’ovins laitiers dans les Pyrénées-Atlantiques (64). 

Test de réduction d’excrétion fécale : mode d’emploi

Les chercheurs ont comparé deux voies d’administration d’un traitement à base d’éprinomectine : l’un en pour-on, l’autre en injection sous-cutanée. Un test de réduction d’excrétion des œufs de nématodes dans les fèces a ensuite été effectué. Les résultats ont montré un écart significatif entre les deux formulations, avec une faible efficacité du pour-on par rapport à l'éprinomectine injectable : respectivement 86,1 % et 99,6 % de réduction du nombre d’œufs dans les fèces. Un anthelminthique doit atteindre un score supérieur à 95 % pour être considéré comme efficace. Cette différence d’efficacité s’explique par une biodisponibilité supérieure de la voie injectable par rapport à la voie pour-on.

La méthode employée pour cette étude est reproductible. Elle permet de vérifier si le manque d'efficacité d’un vermifuge provient d’une exposition insuffisante des vers au principe actif utilisé ou si une résistance doit être suspectée. Pour faire le test, il faut constituer deux groupes d’animaux, un groupe pour-on et un groupe voie injectable, à la dose recommandée pour chaque méthode d'administration. Les dosages sont déterminés en se basant sur le poids de l’animal le plus lourd du lot à traiter (attention à correctement calibrer son matériel).

Le jour du traitement, un premier prélèvement individuel de fèces est réalisé directement dans le rectum. Pour les petits ruminants, 2 à 5 g par tête suffisent. Au moins 10 animaux doivent être prélevés, 15 pour un résultat plus représentatif. Il est primordial de noter qui a reçu quoi, car les mêmes animaux devront être prélevés à nouveau 7 à 21 jours plus tard. Relever les numéros d'identification et marquer les bêtes à la peinture pour assurer leur identification rapide. La date du second prélèvement dépend du vermifuge utilisé : pour la connaître avec précision, consulter son vétérinaire.

95 % de réduction du nombre d’œufs de nématodes minimum

Les échantillons doivent être envoyés à un laboratoire pour une analyse coproscopique de mélange, idéalement le jour de la collecte. Ils peuvent être maintenus au frais avant et pendant le transport, au frigo puis en glacière par exemple, et si ce n’est pas possible, à température ambiante dans un sac fermé sous vide. Les prélèvements ne doivent surtout pas être congelés. Les résultats sont simples à interpréter : un anthelminthique doit afficher une efficacité supérieure à 95 % de réduction du score d’excrétion fécale.

Quand les résultats du test de réduction d'excrétion fécale montrent un écart entre deux voies d'administrations (l'une efficace, l'autre non), c'est qu'il y a sous-dosage pour celle qui marche le moins bien. Nous pouvons écarter l'hypothèse d'une résistance, car c'est la même molécule qui est utilisée. Si le manque d'efficacité concerne les deux groupes, alors une résistance peut être suspectée. Pour confirmer l’origine du problème, le test de réduction d’excrétion fécale peut être complété par un dosage plasmatique de la molécule utilisée visant à vérifier que la concentration nécessaire du principe actif permettant de tuer les parasites est atteinte ou non.

Enquêter permet de faire la distinction entre une résistance et un sous-dosage, le résultat aide aussi à choisir un traitement réellement efficace.

*Bordes L, Ticoulet D, Sutra JF, Lespine A, Jacquiet P. Lack of efficacy of topical administration of eprinomectin against gastrointestinal nematode in a French dairy sheep farm : A case of underexposure of worms. Vet Rec Case Rep. 2022 ; 10:e435. 

 

Contenu rédigé par La France Agricole Factory proposé par : UMR INRAE/ENVT IHAP et UMR INRAE/ENVT INTHERES