Se reconnecter. Il est tout à fait possible d’apaiser la douleur de Francis et de lui permettre de réinvestir sa vie, même suite à quelque chose d’aussi grave et injuste que la perte de son enfant.
Le comportement de votre époux montre que la douleur de la perte l’accompagne encore quotidiennement. Les obligations de l’exploitation agricole ont certainement privé Francis de toute période de deuil ou fourni une échappatoire pour noyer sa tristesse dans la charge de travail.
Ainsi, avec l’aide d’un thérapeute, il faudrait pouvoir inviter votre conjoint à se reconnecter au moment de la perte de son fils et l’amener à ressentir de la compassion à son propre égard. Pour le Francis de l’année 2016, le fait d’accueillir les émotions qui l‘ont bouleversé dans le passé est un moyen de les déposer, de s’en libérer. Et comme cela apaiser ses souvenirs douloureux.
Clarifier la douleur. Cette reconnexion le conduira progressivement à pouvoir porter un regard bienveillant sur lui-même et à pouvoir déposer sa culpabilité : celle de ne pas avoir pu sauver son enfant, celle de ne pas être parti à sa place, etc. L’identification des émotions permettra de sortir de la confusion, de clarifier et de caractériser sa douleur. Certains besoins émotionnels n’ont sans doute pas été satisfaits au moment du deuil. Surtout s’il l’a vécu de façon très solitaire ; l’entourage, lui aussi secoué, a pu être défaillant dans son rôle de soutien.
Lever les croyances. En réalisant sur la ferme à lui seul le travail de deux personnes, peut-être s’accompagne-t-il symboliquement du fils perdu avec lequel il devait s’associer ? Cette croyance est compréhensible mais n’est pas satisfaisante puisqu’elle conduit Francis à se retrouver régulièrement en guerre avec lui-même. Prendre conscience que ses crises de nerfs sont le reflet de ce comportement inadapté l’amènera à débrayer ce pilotage automatique. A l’aboutissement de ce travail, Francis devrait ressentir de la colère contre cette injustice de la perte de l’enfant. C’est en l’acceptant qu’il pourra la transformer et rebondir. Il n’est pas question pour lui d’oublier Paul, mais d’intégrer la perte pour récupérer des ressources et réinvestir sa vie. Ce travail nécessite l’aide d’un thérapeute. Parfois, quelques séances suffisent.
(1) Auteure de Apaiser les souvenirs douloureux, collection Épanouissement, InterEditions, 240 p., 17,90 €.