«Lorsque mon père a pris sa retraite en 1997, j’ai repris l’exploitation car je ne souhaitais pas la laisser partir, explique Philippe Leclercq, agriculteur à Noyelles-sous-Bellonne, dans le Pas-de-Calais. Comme j’étais passionné par mon métier au sein du groupe Carré, négociant en céréales, je suis resté double actif. » À 62 ans, pour prendre à son tour sa retraite, il a passé les rênes de la ferme de 78 ha à son épouse Brigitte. Mais il continue à la gérer comme salarié avec enthousiasme.
Les critères HVE
« J’ai toujours cherché à réduire mon impact sur l’environnement et en particulier l’utilisation des produits phyto, souligne l’agriculteur. Lorsque l’on a commencé à parler de la certification HVE (Haute valeur environnementale), je me suis rendu compte que je répondais à quasiment tous les critères. » En plus du blé tendre, de l’orge et des betteraves sucrières, il a introduit le colza et le maïs dans son assolement et a planté une petite parcelle de miscanthus.
« J’utilise aussi des techniques alternatives sur 75 % de ma SAU : faux semis, binage en betteraves, herse étrille en orge lorsque c’est possible, plantes compagnes en colza, ou encore des biostimulants et produits de biocontrôle comme le soufre et Vacciplant en premier traitement du blé », indique-t-il. Il utilise des variétés peu sensibles et réduit les densités de semis à 180 grains/m2 en blé, pour limiter les risques de maladies et de verse. De même, il ne sème jamais son blé avant le 20 octobre pour réduire la pression des adventices et des insectes. « Grâce à des rotations diversifiées, j’ai des parcelles assez propres, estime Philippe Leclercq. Il m’arrive de ne désherber que le tour en blé et en escourgeon. Je ne fais jamais de blé sur blé. Je l’ai essayé sur une parcelle il y a dix ans et je m’en mords encore les doigts. » Il obtient ainsi 1,27 comme indice de fréquence de traitements (IFT) herbicides, lorsque la référence dans le Nord-Pas-de-Calais est à 1,85 (et 1,95 IFT hors herbicides, contre 5,26 pour la référence régionale). Sa ferme n’a donc pas eu de difficultés à être certifiée HVE niveau 3 dès 2020.

Philippe Leclercq analyse finement la rentabilité de ses cultures, notamment dans le cadre d’un groupe Experts Céréales avec son négociant (lire l’encadré). En 2020, par exemple, avec un rendement moyen de 10,6 t/ha, le prix de revient de son blé s’est élevé à 122,43 €/t sans prendre en compte les aides Pac, et à 98,17 €/t en les intégrant. « Les charges de structure pèsent lourd : 93,87 €/t, dont 20,58 €/t pour le matériel, remarque l’agriculteur. Les intrants représentent 29,83 €/t, dont un peu plus de 11 €/t chacun en engrais et phytos, et 6,31 €/t en semences certifiées. En 2021, le rendement a légèrement baissé pour atteindre 9,7 t/ha, tandis que les intrants avaient déjà augmenté. Le prix de revient de mon blé est passé à 127,34 €/t avec la prise en compte des aides Pac. » C’est 18 €/t de moins que la moyenne du groupe Experts Céréales Carré (146,04 €/t) et 37 €/t de mieux que la moyenne CerFrance Pas-de-Calais (164 €/t). « En 2022, avec la remontée du cours des engrais, le coût de revient de nos productions va exploser. Heureusement que ceux du blé sont aussi à la hausse, indique-t-il. Ces résultats montrent aussi que la démarche HVE n’a pas pesé sur mes coûts de production. »
Chute des résultats
Malgré des rendements nettement plus élevés que la moyenne française et des coûts maîtrisés, il constate une chute de ses résultats par rapport à il y a dix ans. « Mon EBE stagne depuis trois ans à 25 000 €, contre plus de 65 000 € entre 2011 et 2013, regrette l’agriculteur. Cette baisse s’explique surtout par la chute du prix des betteraves et des rendements qui s’effritent à cause de conditions climatiques moins favorables. Les aides Pac ont aussi fortement reculé : de 29 000 € en 2016 à 18 000 € en 2021. » Pour retrouver de la rentabilité, il a décidé de diminuer ses surfaces de betteraves et d’introduire la pomme de terre fécule dans son assolement.
Pour la transmission de la ferme, l’un des fils de Brigitte et Philippe Leclercq, Vianney, est intéressé et a prévu de la reprendre comme son père, en double actif. Blandine Cailliez