Des dossiers s’entassent sur une table. En l’absence de clients, la ferme-auberge du Clos d’Émile, à Mornay-sur-Allier (Cher), s’est transformée en bureau. Bien qu’ils gardent le sourire, Maud et Benoît Millet sont exténués. Depuis le deuxième confinement, ils travaillent 60 heures chacun par semaine pour préparer des plats raffinés à emporter le week-end et cuire chaque jour du pain. « Nous arrivons tout juste à payer nos charges, en jonglant avec le découvert autorisé et les 35 000 euros de prêt garanti par l’État (PGE). Nous voudrions souffler un peu avant de rouvrir le restaurant », explique Benoît. Ce couple de quadragénaires, parents de quatre filles, a ouvert la ferme-auberge il y a presque trois ans. Benoît, éleveur de bovins, a diminué le cheptel de 90 à 30 vaches allaitantes et s’est diversifié en porcs noirs pour fournir le restaurant. Maud, ingénieur agricole, a repris le chemin de l’école pour un CAP « pâtisserie », puis a travaillé dans un restaurant étoilé à Beaune. Dans sa cuisine, elle prépare tout avec des produits de la ferme ou locaux. « J’étais confiant pour le deuxième confinement. Je pensais que l’on toucherait des aides comme au printemps 2020 », raconte Benoît.
Comme les restaurateurs, il a envoyé une demande d’aide de 6 880 €, fondée sur le chiffre d’affaires de novembre 2019. Mais pas de réponse. Le couple comprend alors que leur restaurant est mal répertorié. La ferme-auberge et l’élevage sont regroupés sous le même statut juridique, en Gaec. Le code APE (activité principale exercée) dépend donc du régime agricole et non de celui de la restauration. « Les chambres d’agriculture connaissent très bien notre activité, elles pourraient nous recenser ! » Mais rien ne se passe.
Les politiques mobilisés
Maud et Benoît en parlent à leur député, Loïc Kervran (1), et au réalisateur Édouard Bergeon, créateur de la chaîne CultivonsNous.tv. Celui-ci tourne une vidéo et l’envoie au ministre de l’Agriculture. Leur cas est enfin pris en considération. La question est posée dans l’hémicycle ; le 9 février, les politiques décident de procéder au cas par cas avec un fonds spécial, et non avec le fonds de solidarité pour ne pas créer d’effets d’aubaine avec d’autres secteurs multi-activités. « Les politiques sont attentifs. Notre député prend des nouvelles toutes les semaines, mais l’Administration n’avance pas ! », dénonce Maud.
Très médiatisé, le couple a été contacté par d’autres fermes-auberges. « Nous avons l’espoir de toucher des aides. Mais quand et combien, nous ne le savons pas. Il faut que ce soit avant juin », conclut Maud.
(1) Les fermes-auberges exclues des aides peuvent le contacter.