Les antibiotiques, ce n’est pas automatique. Pour les animaux non plus ! Les éleveurs laitiers l’ont bien compris et ont réduit leur consommation dès le plan Ecoantibio 1 : entre 2011 et 2016, l’utilisation d’antibiotiques en élevage bovin a diminué de 24 %, et elle reste stable depuis. Toutes espèces d’élevage confondues, la réduction a été de 52 %, et de 90 % sur les spécialités critiques.
En dessous de la moyenne européenne pour l’utilisation d’antibiotiques par tête de bétail, la France fait figure de « bonne élève ». Pourtant, il faudra encore faire mieux : la limitation massive du recours aux antibiotiques fait partie des objectifs du Green Deal à l’horizon 2030.
Car, il s’agit du premier levier pour « prévenir les risques de résistance aux antibiotiques, un enjeu majeur de santé publique », justifie Patrice Ratier, responsable technique animaux de rente chez Vetoquinol. « Les éleveurs laitiers sont concernés, comme nous tous. C’est le concept de « One health » : toute exposition à des antibiotiques peut sélectionner des populations bactériennes résistantes. Et les gènes de résistances se transmettent entre bactéries de différentes espèces. »
Ce concept teinte désormais toutes les réglementations relatives à la santé animale ou humaine. Et il fait aussi son chemin au sein de la société. Le fait que des résidus médicamenteux, notamment antibiotiques, puissent avoir un impact sur la santé humaine est de plus en plus connu et redouté par le consommateur. Le dernier baromètre « Food safety in Europe » montre que les consommateurs sont 25 % à craindre la présence de bactéries résistantes dans leur alimentation.
Vers une médecine vétérinaire de précision
Ces pressions sociétales et réglementaires vont amener les acteurs des différentes filières, et notamment la filière laitière, à réaliser plus de contrôles systématiques pour garantir l’absence de résidus. Les éleveurs devront modifier leurs pratiques, de manière plus radicale. Mais « il ne faut pas le voir comme une contrainte, plutôt comme l’opportunité d’un changement de paradigme », pointe Patrice Ratier. « Nous devons aller vers une médecine vétérinaire de précision. »
Ces changements de pratiques vont bien sûr concerner la prise en charge des mammites, pathologies les plus fréquentes en élevages laitiers. « C’est la fin des traitements à l’aveugle », annonce Patrice Ratier. Mais cela ne signifie pas que les vaches seront moins bien soignées ou que les éleveurs seront laissés sans solutions.
Car, les solutions existent déjà, et elles impliquent de manière accrue le vétérinaire. Le praticien va devenir un « vétective ». Les comptages cellulaires, la dynamique de l’infection dans le troupeau, et les outils de diagnostics bactériologiques rapides seront autant d’indices pour mener son enquête à bien. Il pourra alors juger de l’utilité ou non d’un traitement et, si besoin, choisir la voie la plus précise en fonction de la cible.