Depuis 2013, Florian Strube a développé le compostage pour fertiliser les 250 ha qu’il exploite à Estrées-Saint-Denis (Oise). Il y produit des légumes, des céréales, du colza et de la betterave sucrière. Pour remonter la matière organique et l’activité biologique de son sol, il bénéficie du fumier du centre équestre ouvert par son épouse en 2012. Après une formation au compostage agricole en Autriche, l’agriculteur, originaire de Bavière, a importé un retourneur d’andain Gujer Innotech TG 301 de Suisse. Il l’utilise sur sa plateforme de compostage, cofinancée par l’Agence de l’eau Seine-Normandie.

 

Florian Strube ne regrette pas son investissement dans cette machine. C’est grâce à elle qu’il optimise la qualité de son compost, ce qui lui a permis de convertir une partie de ses terres en bio (lire l’encadré). © G. Baron
Florian Strube ne regrette pas son investissement dans cette machine. C’est grâce à elle qu’il optimise la qualité de son compost, ce qui lui a permis de convertir une partie de ses terres en bio (lire l’encadré). © G. Baron

80 à 100 chevaux suffisent

La machine en question est rare en France, où la plupart brassent de gros andains en bord de champ. Florian a lui-même fait appel à un entrepreneur équipé d’une machine de ce type lorsqu’il a commencé le compostage. « C’était déjà beaucoup mieux que le fumier brut, qui prenait du volume, était plein d’adventices et entraînait des faims d’azote, se souvient l’agriculteur. Le gros composteur présentait cependant des limites : l’homogénéité laissait à désirer et la décomposition était mauvaise en conditions sèches. »

Le rotor est conçu pour assurer un brassage maximal de la matière. Les bords de l’andain sont ramenés vers le milieu tandis que le compost situé au centre est envoyé à l’extérieur. © G. Baron
Le rotor est conçu pour assurer un brassage maximal de la matière. Les bords de l’andain sont ramenés vers le milieu tandis que le compost situé au centre est envoyé à l’extérieur. © G. Baron

 

C’est en 2016 qu’il acquiert le TG 301 neuf. L’outil tracté peut retourner des andains jusqu’à 3 m de largeur pour 1,5 m de hauteur. Son rotor est animé à 300 tours/min par la prise de force du tracteur en 540 eco. « 80 à 100 ch de puissance suffisent et une vitesse super-lente », précise Florian. Il effectue cette tâche à une vitesse comprise entre 0,2 et 0,4 km/h. Deux fonctions hydrauliques sont également nécessaires. L’une pour abaisser le rotor et l’autre pour la petite pompe hydraulique. Elle anime le flux entre la cuve de 1 m3 et des buses pour arroser l’andain. « Cela ne suffit pas pour composter du fumier de cheval très sec, il faut de la pluie, prévient Florian. Une quantité d’eau au moins dix fois supérieure est nécessaire pour mouiller suffisamment le fumier. »

Une cuve de 1 000 l peut assurer l’ensemencement du compost et aider son mouillage. Du côté gauche de la machine, un contrepoids se déplie automatiquement lors de la descente du retourneur d’andain. © G. Baron
Une cuve de 1 000 l peut assurer l’ensemencement du compost et aider son mouillage. Du côté gauche de la machine, un contrepoids se déplie automatiquement lors de la descente du retourneur d’andain. © G. Baron

 

Gérer la température

La cuve lui sert principalement à ensemencer le compost en micro-organismes grâce aux jus qu’il récupère sur sa plateforme de compostage. Le système d’arrosage peut éventuellement compenser un léger manque d’eau, si les conditions le requièrent. L’agriculteur rappelle que l’eau, la température et l’oxygénation sont trois paramètres clés du compostage. Il est équipé d’un long thermomètre et prend régulièrement la température en cœur d’andain. « Elle doit être comprise entre 55 et 60 °C », précise-t-il. Si elle est atteinte pendant trois semaines consécutives, le compost est hygiénisé, c’est-à-dire débarrassé des graines d’adventices et d’éventuelles maladies fongiques. Le retournement du compost assure l’oxygénation de la matière, qui active les micro-organismes aérobies à l’origine de la montée en température. « L’apport d’oxygène du retournement évite aussi la phase ammoniacale et la volatilisation de l’azote », ajoute l’agriculteur. L’arrosage limite un réchauffement trop fort de l’andain. « Il ne faut pas que la température dépasse 60 °C, précise Florian. Sinon on tue des micro-organismes essentiels à la décomposition optimale et on “carbonise” le compost, qui n’aura pas un effet aussi bénéfique sur le sol. »

 

Les pointes au-dessus de la machine offrent la possibilité d’installer un guide pour retourner un andain sous un géotextile perméable à l’air. C’est par les buses situées juste en dessous que le compost est arrosé. © G. Baron
Les pointes au-dessus de la machine offrent la possibilité d’installer un guide pour retourner un andain sous un géotextile perméable à l’air. C’est par les buses situées juste en dessous que le compost est arrosé. © G. Baron

Cycle de huit semaines

Sur les deux premières semaines du cycle, le compost est retourné tous les deux ou trois jours. Pendant les deux semaines suivantes, le brassage se fait tous les cinq à six jours, puis une fois toutes les deux semaines. Au total, le compost est retourné huit à dix fois selon les conditions météo, sur une durée de huit semaines. Florian produit 1 000 t de compost par an à partir de plus de 5 000 m3 de fumier de cheval (75 %), de fumier de bovin d’un élevage voisin (15 %) et de 10 % de végétaux issus de tri de semences­ et déchets verts d’un paysagiste et d’un maraîcher.

Le retourneur a coûté environ 30 000 €, transport et douanes comprises.

Gildas Baron