« L’abattage mobile à la ferme est une bonne idée, estime-t-on au Gaec Robin-Vannier, un élevage limousin bio à Chapaize en Saône-et-Loire. Le Boeuf éthique a fait ses preuves au plan sanitaire avec une équipe technique à la hauteur, cinq opérateurs présents lors de l’abattage, dont un vétérinaire. En revanche, en matière de commercialisation de la viande et de gestion de l’entreprise, l’expérience a été catastrophique. » L’abattoir mobile du Boeuf éthique a été lancé en septembre 2021 par Emilie Jeannin, éleveuse de charolaises en Côte-d’Or.
Des impayés chez les éleveurs
Alors que les soutiens continuent à affluer sur les réseaux sociaux ou sur les sites environnementalistes évoquant la misogynie du monde agricole ou le désengagement de l’abattoir d’Autun (1) pour expliquer la déroute de la SAS Bœuf éthique, des éleveurs sont écœurés. « On ne parle que d’Emilie Jeannin, la fondatrice du Bœuf éthique, déplorent ainsi les associés du Gaec Robin-Vannier. Jamais on ne parle des éleveurs qui lui ont fait confiance et qui se retrouvent aujourd’hui avec de lourds impayés. »
Malgré les rumeurs de difficultés qui circulaient déjà en mars 2022 et moyennant la promesse d’être payés dans les deux mois après l’abattage, le Gaec lui a remis de nouvelles bêtes en octobre 2022. « On s’est bien fait avoir », constate amèrement Solange Vannier. Informée ni du redressement judiciaire prononcé le 29 novembre 2022, ni de la liquidation judiciaire le 28 février 2023, l’exploitation se retrouve avec un impayé de 23 000 €. Une somme suffisamment lourde pour la fragiliser et qui a peu de chance d’être recouvrée, compte tenu des faibles actifs de la société. Trois élevages du même secteur de la Saône-et-Loire se retrouvent dans une situation équivalente, avec des impayés allant de 6 000 à 12 000 €. D’autres dans la Nièvre et en Côte-d’Or sont également impactés.
Modèle économique
Pour un éleveur de la Saône-et-Loire, « le projet a tenu le temps de consommer les subventions publiques versées par l’État dans le cadre du plan de relance et par la Région, soit 800 000 € pour un investissement de 1,8 million d’euros ». Créatif, le projet du Bœuf éthique présentait dès le départ un défi de taille : son modèle économique. Comment couvrir les coûts représentés par une lourde logistique (trois camions se déplaçant de ferme en ferme, parfois sur de grandes distances, une dizaine de salariés) avec seulement quelques bêtes abattues chaque semaine (quatre à cinq en moyenne, neuf au maximum) ?
(1) Faute d’être payé pour ses prestations de stockage et de découpe des carcasses, l’abattoir d’Autun, propriété de la communauté de communes du Grand Autunois-Morvan, avait suspendu sa collaboration avec le Bœuf éthique en décembre 2022. Il se retrouve avec un impayé de 170 000 euros.