Située à Breuvannes-en-Bassigny, en Haute-Marne, la Ferme de Grivée cultive des céréales et élève des bœufs sur une surface de 310 ha en agriculture bio. Depuis 2010, elle produit de l’énergie grâce à une unité de méthanisation et un moteur de cogénération. Le moteur initial de 250 kW a été remplacé par un nouveau de 350 kW en 2018. « Il n’y a que des effluents d’élevage ainsi que des déchets agroalimentaires et de collectivités qui alimentent le méthaniseur. Seulement, nous étions régulièrement en surproduction, indique Philippe Collin, gérant, avec son épouse, de l’exploitation. Il fallait trouver une valorisation au biogaz que nous étions obligés de brûler dans la torchère. »

En parallèle de cette augmentation de puissance, les agriculteurs ont établi un contact avec la société Prodéval, qui développait alors un prototype de micro-épurateur pour produire du bio-GNV (gaz naturel d’origine biologique pour les véhicules). Le concept a plu aux exploitants, qui ont décidé de s’investir dans le projet. Un démonstrateur est installé en 2017 avant qu’une version plus aboutie soit livrée en 2019.
« Un simple piquage »
« Le biogaz généré dans le digesteur est très majoritairement composé de biométhane et de CO2 à part à peu près égales. Un simple piquage a été effectué au niveau de la canalisation qui achemine le gaz vers le moteur de cogénération. Une fraction du biogaz est ainsi envoyé vers la station-service, placée à quelques dizaines de mètres. Sur son chemin, il passe par le micro-épurateur. Celui-ci récupère du biométhane, il sera ensuite compressé pour être stocké dans des bouteilles adaptées. Le biogaz appauvri est, quant à lui, renvoyé dans le ciel gazeux du digesteur », précise Philippe.

Le fonctionnement du système est régi par le niveau de remplissage des bouteilles de bio-GNV. Lorsqu’elles sont pleines, elles contiennent 950 kg de gaz mais la capacité utile du réservoir est d’environ 300 kg. Cela s’explique par la forte pression nécessaire pour que le carburant passe des bouteilles au réservoir des véhicules (elle doit être supérieure à 200 bars). « Il ne s’agit pas d’une grosse station, poursuit l’agriculteur, toutefois, pour l’amortir, nous avons besoin d’un certain volume de consommation assuré. Elle est donc plutôt destinée à une flotte captive. Nous avons cherché des transporteurs qui pouvaient être intéressés. Nous nous sommes naturellement tournés vers la collectivité territoriale, avec qui nous travaillions déjà. Nous avons également contacté Savencia, qui collectait notre élevage à l’époque où nous produisions du lait. Ils ont tout de suite été emballés par le projet. Des tests ont été effectués avec un camion-citerne à lait et la collecte démarrera réellement à l’automne, le temps que Savencia fasse fabriquer son propre camion. Aujourd’hui, nous avons un minibus de transport scolaire qui fait le plein ici, en plus de nos deux véhicules personnels. Le camion viendra sur un créneau nocturne de manière quotidienne et consommera entre 80 et 100 kg de bio-GNV par jour. Son heure de passage laissera le temps à la station de se recharger pendant la nuit, c’est avantageux. »

60 tonnes de carburant
L’unité produit 1,6 million de m3 de biogaz par an. La biologie a été optimisée et un Nénufar couvre le post-digesteur pour améliorer la production. Le moteur consomme 1,4 million de m3 de biogaz et 200 000 m3 sont épurés pour extraire 100 000 m3 de biométhane, soit 76 t/an pour la station. Mais son amortissement est raisonné sur une utilisation à 80 % de la capacité, soit 60 t. « Une optimisation à 100 % de la capacité est irréaliste, révèle l’éleveur, cela impliquerait que la station soit en permanence en train de se remplir ou de délivrer du carburant. »
L’investissement initial atteint un montant d’environ 280 000 € tout compris, et son coût de fonctionnement est de 20 000 €/an. Cela correspond à l’entretien et aux éventuels dépannages assurés par Prodéval. Le kilo de bio-GNV est vendu 1 € HT. La laiterie en consommera environ 30 000 kg/an, le minibus 5 000 kg et les deux voitures 1 000 kg chacune.
Gildas Baron
