Le gouvernement est ambivalent
Alors que la proposition de loi sur la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des pesticides a été adoptée par les sénateurs le 1er février 2018, à l’unanimité, elle n’a toujours pas été présentée devant l’Assemblée nationale. Le gouvernement Macron fait preuve d’une véritable ambivalence. D’un côté, il souhaite sortir des phytos et, de l’autre, il refuse de soutenir la création du fonds d’indemnisation.
Les propos d’Agnès Buzyn, ministre de la Santé, tenus lors de l’adoption de la proposition de loi au Sénat – « Nos connaissances sont insuffisantes sur les effets de ces produits » – sont inacceptables. Ces arguments ne sont que des prétextes pour empêcher la création de ce fonds.
Le gouvernement joue la montre en demandant de poursuivre les recherches scientifiques sur le lien entre expositions aux pesticides et santé. De nombreuses publications scientifiques existent depuis longtemps et elles auraient dû motiver l’action des responsables politiques. Le bilan établi par l’Inserm (1) en est la démonstration. Même le rapport des trois inspections – Igas, IGF et CGAAER –, rendu public le 24 avril, préconise la mise en place de ce fonds (2). Le gouvernement veut continuer à rendre invisible l’impact des phytos sur les agriculteurs, les riverains et l’environnement. Si le fonds voit le jour, ça les rendra visibles. Oui, les pesticides représentent un danger pour la santé publique.
Le financement déjà voté
Les fabricants doivent contribuer à alimenter ce fonds, avec l’État et la Sécurité sociale. D’ailleurs, l’amorce de son financement a été votée en décembre 2016 par le Sénat et l’Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Il s’agirait d’augmenter la taxe pour la phytopharmacovigilance, déjà prélevée sur le prix de vente des produits phyto auprès des fabricants, qui se sont fait et se font encore de larges bénéfices. Ils ont leur part de responsabilité dans les pathologies liées à l’utilisation des produits phyto. En ne mettant pas cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, le gouvernement semble avoir cédé face aux pressions des lobbies de l’agrochimie.
C’est l’Élysée qui bloque
Nos rencontres avec Stéphane Travert et Nicolas Hulot montrent qu’ils sont plutôt favorables à la création de ce fonds. C’est l’Élysée qui bloque. Cela fait plus de trois mois que nous devons nous rencontrer pour en discuter, mais toujours rien.
Ce fonds, comme celui pour l’amiante, serait pourtant la seule voie de réparation pour des centaines de victimes, pas seulement pour les professionnels, mais pour les riverains également. L’argent ne répare pas tout, bien sûr, mais l’indemnisation représente une reconnaissance des victimes, qui se trouvent parfois dans des situations de grande précarité.
(1) Institut national de la santé et de la recherche médicale.
(1) Institut national de la santé et de la recherche médicale.
(2) Dans ce rapport, l’Inspection générale des affaires sociales, l’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux ont estimé à environ 10 000 personnes sur dix ans le nombre de « victimes potentielles, pour lesquelles il existe une présomption forte de causalité entre la maladie de Parkinson et les hémopathies malignes, et l’exposition ». Le coût estimé sur dix ans varierait de 280 à 930 millions d’euros, soit de 28 à 93 millions par an.
(2) Dans ce rapport, l’Inspection générale des affaires sociales, l’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux ont estimé à environ 10 000 personnes sur dix ans le nombre de « victimes potentielles, pour lesquelles il existe une présomption forte de causalité entre la maladie de Parkinson et les hémopathies malignes, et l’exposition ». Le coût estimé sur dix ans varierait de 280 à 930 millions d’euros, soit de 28 à 93 millions par an.