«Ma vie professionnelle a basculé le 24 décembre 2015. À la suite d’une IRM, les médecins m’ont annoncé que je ne pouvais plus exercer mon métier d’éleveur. J’avais déjà été opéré deux fois d’une hernie discale et je pressentais que ce jour-là arriverait. Mais de là à l’accepter, il y a un pas que je n’avais pas franchi. Comment envisager d’abandonner ce métier qui est bien plus qu’une profession, un mode de vie ancré en moi ? Comment admettre d’être autant diminué physiquement à 43 ans ?

Repenser l’exploitation

Les deux mois qui ont suivi ont été la période la plus difficile de ma vie. Colère, amertume, découragement, tristesse se sont mêlés. Je pensais que j’allais devoir céder l’exploitation, quitter ma maison en pierre, mes racines et que tout était fini. Je me demandais ce que j’allais devenir.

Et puis, j’ai eu un déclic. J’ai pensé qu’il fallait passer à autre chose. Je me suis alors engagé dans une démarche de validation des acquis de l’expérience (VAE) pour entériner un BTSA Acse (1), persuadé que mon BTA (2) ne suffirait pas pour trouver un travail intéressant. La préparation de ce diplôme, ainsi qu’un bilan de compétences m’ont amené à analyser mon exploitation. Une voie à laquelle je n’avais pas pensé s’est dessinée : l’organiser différemment pour y garder un pied, tout en exerçant une nouvelle profession. En l’occurrence, celle de formateur dans un centre de formation agricole (CFA).

De 95 charolaises sur 141 ha (essentiellement en herbe), je suis passé à 35 vaches sur 78 ha, en déléguant tous les travaux extérieurs et en ne gardant qu’un tracteur. J’ai conservé le salarié que j’employais l’hiver (un quart de temps par an). La transition vers l’agriculture biologique initiée en 2015 a facilité cette évolution, car j’avais réfléchi à une simplification de mon système, couplée à une meilleure valorisation. De même, des aménagements avaient déjà été réalisés : parc de contention ou détecteur de vêlages.

Aujourd’hui, je suis fier d’avoir trouvé un nouvel équilibre professionnel car j’ai transformé du négatif en positif. Cette expérience m’a amené à porter un nouveau regard sur moi et mon métier. On confond trop souvent ce que l’on fait et ce que l’on est. »

Propos recueillis par Anne Bréhier

(1) Brevet de technicien supérieur analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole.

(2) Brevet de technicien agricole.