En France, les éleveurs de chèvres cachemires se comptent sur les doigts de la main. Si Olivier Cuer s’est lancé, c’est par un concours de circonstances. « En 2014, un éleveur du Vercors, qui arrêtait à cause du loup, voulait céder son cheptel. J’avais déjà des chèvres angoras, j’ai récupéré ses cachemires », raconte cet ingénieur généraliste, reconverti dans l’agriculture en 2007. En conservant une double activité, il élève, avec sa compagne Marilyne, cent chèvres angoras et autant de cachemires, sur 45 hectares de prairies et forêts à Vernay, dans le Rhône. La laine est valorisée en pelotes, vêtements et accessoires sous la marque qu’ils ont créée : La Ferme d’Amalthée.
Structurer les filières
La tonte est réalisée par un tondeur (5 euros par bête). Le tri de la laine occupe les éleveurs une semaine, puis la laine quitte la ferme pour les étapes de lavage, cardage, filature, teinture et confection vestimentaire. Tout est fait en France pour le mohair, et une partie en Italie pour le cachemire.
« La filière mohair, avec une centaine d’éleveurs en France, est structurée, constate Olivier Cuer. En cachemire, il y aurait des choses à faire pour mutualiser des moyens ! » Si cette production reste confidentielle, c’est qu’elle ne capte pas la même clientèle. « Une écharpe en mohair coûte environ 50 euros, la même en cachemire 300 euros !, explique-t-il. En effet, une chèvre angora produit 2 kg tous les six mois, alors qu’une cachemire donne 2 kg par an, dont seulement 10 % de sous-poil valorisable. »
Olivier produit annuellement environ 400 kg de mohair et 20 kg de cachemire. « Ce dernier exige aussi une étape d’éjarrage pour extraire le sous-poil, poursuit l’éleveur. Nous utilisions pour cela une machine longue de 20 mètres, qui est à l’arrêt depuis trois ans. » En attendant de trouver 60 000 euros pour la remettre aux normes, il stocke la toison des cachemires et valorise une petite partie de leur lait, transformé en savons. « Pour ne pas priver les cabris, allaités jusqu’au sevrage naturel, nous transformons quelques litres à la fois, détaille-t-il. On trait à la main quelques chèvres de temps en temps. C’est sportif, car elles n’y sont pas habituées ! »
Bien-être animal
Cet élevage bio, qui reçoit souvent du public, se veut une vitrine du bien-être animal. « Les bâtiments offrent un accès permanent à l’extérieur, et il n’y a aucune transformation bouchère, souligne Olivier. Dans mon système, j’assure le bien-être de mes animaux jusqu’à leur belle mort, en contrepartie de leur laine. » Ses choix technico-économiques sont cohérents avec ce principe : « Ici, l’animal n’est pas le produit. Nous cherchons à garder nos bêtes longtemps. Les naissances ne sont nécessaires que pour renouveler le troupeau. Nos chèvres ne mettent bas que tous les deux ans, cela les fatigue moins. »
Si la qualité de laine des cachemires reste constante, le mohair devient plus grossier avec l’âge. Avec des bêtes de dix à quinze ans, il faut aussi gérer les pathologies de fin de vie.
Au global, les charges sont réparties à égalité entre l’élevage (dont 30 €/bête/an d’alimentation et 18 € de frais vétérinaires), la transformation et la commercialisation. En travaillant huit heures par jour dans l’élevage, Olivier sort « difficilement » un revenu, une fois payé le salaire de son employé, qui fait huit heures par semaine. Après une année 2020 catastrophique à cause du Covid, il espère retrouver bientôt l’activité d’avant-crise.