«En mars 2016, la sortie à l’herbe de mes 80 vaches laitières a été particulière. Quelque temps avant, une journaliste de l’hebdomadaire « Marianne » m’avait appelé. À ma grande surprise, elle m’avait expliqué que la mise en pâture intéressait le philosophe Alain Finkielkraut ! Il voulait voir ce moment sur une ferme familiale et m’avait identifié dans un reportage télévisé. Bien que très étonné, j’ai accepté. Car j’aime mon métier et je montre volontiers ce que je fais.
Un échange libre et très intéressant
Alain Finkielkraut a passé deux à trois heures sur mon exploitation, le 17 mars au matin. Il a regardé les vaches sortir, durant une demi-heure, est allé voir les veaux, et a pris le temps d’échanger avec moi et mes parents. Je n’ai pas vu le temps passer ! Il s’est montré très curieux et très à l’écoute. Il a posé une foule de questions, en toute simplicité. Il voulait comprendre pourquoi et comment je travaillais en système herbager (j’avais le projet de passer en lait bio, je débute actuellement ma conversion), quelle était ma vision d’éleveur sur les questions de bien-être animal. Pour lui, le fait que les vaches aillent au pré était très important. Cet écrivain s’intéresse beaucoup au sujet (il a fait graver une tête de bovin sur son épée d’académicien). Mais j’ai été étonné qu’il vienne ainsi de Paris. C’était la première fois que je recevais quelqu’un d’aussi éloigné du milieu agricole. Notre échange a été libre et très intéressant.
Lorsque l’article sur cette visite est paru, plusieurs agriculteurs m’ont demandé : « Tu n’as pas eu peur qu’il « tape » sur l’élevage ? » Car le premier réflexe est de fermer nos portes. Et je vois la tendance s’accentuer face au véganisme. Alors qu’au contraire, si nous, agriculteurs, refusons de recevoir, nous avons perdu d’avance dans le dialogue avec le public. Personnellement, je suis fier de mon métier et je n’ai rien à cacher.
J’ai à nouveau parlé de mon quotidien et de mon ressenti d’éleveur en novembre 2017, sur France Culture. Alain Finkielkraut m’a sollicité pour une émission de 50 minutes, où il présentait le film « Petit Paysan », avec son réalisateur. J’avais le trac. Mais après une brève présentation de ce dont nous allions parler tous les trois, l’enregistrement s’est déroulé en une seule fois, très spontanément. »
Maître Sylvie Topaloff, la femme à la ville d’AlainFinkielkraut, était l’avocate des associations Écologie sans frontière et L214 dans leur combat contre la ferme des 1 000 vaches. Cela n’a pas empêchéVincent d’ouvrir les portes de son élevage.