«Je rêvais déjà d’un bâtiment neuf lorsque je me suis installé avec mon père en 1990. Concrétiser ce vieux rêve comble mon cœur d’éleveur et mon cœur de père. Il était hors de question que mon fils Simon travaille dans les mêmes conditions que moi ! Dès la création du Gaec père-fils en mai 2015, nous avons réfléchi à la construction. Une stabulation en bois, avec 76 logettes sur caillebotis et une salle de traite informatisée de 2 x 8 places en traite par l’arrière, s’aligne désormais à côté de l’étable traditionnelle. Les premiers animaux y sont entrés le 27 décembre 2016. Nous avons laissé passer une semaine de grand froid à -18 °C – notre exploitation est à 1 000 m d’altitude dans la vallée du puy Mary –, avant d’y traire pour la première fois nos 64 montbéliardes, le 28 janvier 2017. C’est un moment à jamais gravé dans ma mémoire. Avec l’étable entravée et la traite par transfert, nous avions un temps d’astreinte à deux, matin et soir, de trois heures et demie l’été et de cinq heures l’hiver. Il est aujourd’hui réduit à moins de deux heures. Nous trayons nos 64 vaches en 45 minutes. Un seul de nous deux peut assurer ce travail. Cela change complètement notre vie ! C’est une libération. Une immense sensation de liberté.

Une vie socialement « normale »

Aimer passionnément son métier n’exclut pas de pouvoir vivre ailleurs que dans l’étable. Un éleveur a besoin de temps pour réfléchir, se tenir informé et communiquer avec ses pairs pour gérer au mieux des structures en évolution permanente. Durant ma carrière, j’ai investi dans du foncier et des références laitières, pour faire progresser l’exploitation. J’ai aussi assuré des responsabilités professionnelles en tant que président du Cif (1) et administrateur à l’Inao (2) de 1993 à 2004. Un paysan a également besoin de temps pour sa famille et ses loisirs. Mon fils fourmille d’idées et ce bâtiment nous engage vers un nouveau départ. Cet élan se conjugue avec mon souhait de temps libre. Simon a pu se rendre au Salon de l’agriculture à Paris et une demi-finale de rugby à Lyon, sans s’inquiéter du travail qu’il me laissait. Avant, nous quantifiions nos absences en nombre de traites. Aujourd’hui, nous pouvons le faire en jours. Une immense pression est tombée. »

Monique Roque-Marmeys

(1) Comité interprofessionnel des fromages cantal et salers. (2) Institut national des appellations d’origine.