À la ferme de Moyembrie, en ce 26 juin, encadrants et détenus s’apprêtent à recevoir la ministre de la justice le lendemain. Celle-ci vient visiter cet établissement de réinsertion par l’agriculture, créé à Coucy-le-Château-Auffrique (Aisne) il y a vingt-cinq ans. « Soixante pour cent des personnes qui sortent de prison sont recondamnées dans les cinq ans. Ici, nous mettons tout en œuvre pour que les résidents trouvent ensuite un emploi », observe Simon Yverneau, responsable de l’atelier maraîchage. Outre la production de légumes pour six AMAP, l’exploitation compte quarante chèvres, dont le lait est destiné à la fabrication de fromages et de yaourts, ainsi qu’un atelier de deux cents poules pondeuses.
Cette structure dispose de vingt places pour des détenus en fin de peine. Ils y passent en moyenne neuf mois. Huit encadrants salariés et une quarantaine de bénévoles participent à la bonne marche du centre. Le matin, les pensionnaires travaillent à la ferme. L’après-midi, ils prennent part à des ateliers ou recréent des liens familiaux. Olivier Christophe, ancien éleveur, y a terminé sa peine après cinq ans passés derrière les barreaux. « Il faut aimer la vie en collectivité. Je me suis tout de suite senti chez moi. » Au point que cet homme de 53 ans est devenu encadrant.
Travailler la terre et se reconstruire
À leur arrivée, les résidents connaissent le périmètre à respecter. Même si le portail reste ouvert, peu s’évadent, car ils en mesurent les conséquences. Patrice saisit la chance qu’il a d’apprendre le métier de fromager. « Je compte m’orienter vers ce domaine. » De son côté, Cédric, qui s’intéressait au maraîchage bio à travers les livres en prison, exerce ses talents sous la serre. « J’envisage de passer un BPREA à ma sortie. »
Accueillant des condamnés à de longues peines, Moyembrie croule sous les demandes d’admission : cent cinquante chaque année. « Cette parenthèse permet à des hommes éloignés du travail et dont les liens familiaux sont cassés de se reconstruire. L’objectif est que la marche soit moins haute à la sortie de prison. Nous ne connaissons pas le motif d’incarcération. Leur passé ne nous intéresse pas. Nous voulons leur réapprendre à faire des choix. À un moment donné, un lien s’est rompu. En s’occupant des chèvres ou en faisant pousser des carottes, ils prennent soin de la vie. Cette relation à la nature peut guérir des blessures », poursuit Simon Yverneau.