«Voici notre dernière acquisition », indique, recueil en main, Anne Baudoin. « Cet ouvrage, intitulé 14-18 Le chemin des larmes, regroupe les 600 lettres échangées entre Henriette, la tenancière du café de Grémévillers, notre village, et son époux Georges, parti au front. » La productrice de fromages, tomes au foin et au cidre vient de prendre sa retraite. Mais pas question d’arrêter ses permanences hebdomadaires à la bibliothèque. « J’ai commencé en 1990, après un mandat de conseillère municipale, se souvient-elle. Nous voulions faire vivre une bibliothèque dans notre bourgade de 450 habitants. Et surtout qu’elle rayonne sur les trois communes du regroupement scolaire. »
Une véritable échappatoire
L’agricultrice était pourtant bien occupée à l’époque avec trois jeunes enfants. « Partager est une valeur forte pour moi. J’ai eu la chance d’avoir une mère qui lisait beaucoup. J’aime transmettre le plaisir de bouquiner. » Aidée de quelques bénévoles, Anne aménage un local et organise des collectes de livres. Avec une ancienne institutrice, elles accueillent le public à tour de rôle, sa collègue privilégiant, pour sa part, les animations pour les scolaires.
Rapidement, les deux bibliothécaires en herbe se rapprochent de la médiathèque départementale de l’Oise (MDO). Tous les trimestres, elles vont y chercher des ouvrages. Aujourd’hui, les 219 emprunteurs disposent d’un choix de près de 2 200 livres, dont 980 titres en fonds propres, acquis grâce aux 1 000 euros alloués annuellement par la municipalité.
« Je souhaite répondre aux attentes de nos adhérents : policiers, nouveautés littéraires ou demandes précises (permaculture, énergie renouvelable, etc.) », détaille Anne, qui s’ouvre ainsi à beaucoup de thèmes. Mais cette curieuse de nature élargit également l’offre avec ses coups de cœur, glanés dans les rayons, comme La louve ou Le blues du boxeur. « J’apprécie d’être plongée dans d’autres univers. La lecture peut être une véritable échappatoire quand on a des soucis, notamment pour les personnes âgées au corps endolori. »
Son plus grand bonheur est de faire découvrir aux adhérents des œuvres vers lesquelles ils ne seraient jamais allés. « J’ai plaisir à les guider vers des styles très différents, inattendus », sourit avec malice cette éclectique.