Avec 22 % de la production, 26 % des exploitations et 9 % de part de marché de la consommation totale du pays, l’Autriche est le second pays producteur de bio mondial après l’Australie. Mais la filière est aujourd’hui très inquiète, car le consommateur n’est pas au rendez-vous.

Une production excédentaire

Pourtant, tout est organisé pour que cela marche. La volonté politique est là, annonçant sans complexe, mais avec peu de réalisme, vouloir atteindre 50 % de la production à l’horizon 2025. Les trois grands leaders de la distribution, soit 85 % des ventes de biens de consommation, jouent pleinement le jeu. Des filières de productions végétales et animales sont performantes dans leurs conseils et leurs organisations de marché.

Cependant, que faire quand le consommateur n’est pas là ? La principale raison qui pousse les Autrichiens à ne pas être cohérents entre leurs paroles et leurs actes est le prix des produits bio. À cela s’ajoute une crise économique, avec une forte baisse du pouvoir d’achat, réservant le bio à une élite. La communication et le marketing n’inversent pas la tendance.

La production excédant la demande, les Autrichiens se sont tournés vers l’export, principalement vers leurs voisins allemands et italiens, fortement en expansion sur ce marché. Après dix ans de bons et loyaux services, les Allemands viennent de faire savoir aux Autrichiens que leur production intérieure est suffisante pour leurs besoins.

Du côté italien, la tendance est identique, même si cela prend plus de temps. La recherche de nouveaux marchés avec une demande solvable n’est pas évidente. Fortement tournés vers l’est depuis la chute du mur de Berlin, les Autrichiens savent qu’il n’y a ni la volonté, ni le niveau de vie qui permet à une large population d’accéder aux aliments bio.

La République tchèque, la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie ont pris le tournant de produire sur leur sol depuis plusieurs années mais pour l’export. À titre d’exemple, 18 % des surfaces tchèques seraient en bio, pour une consommation intérieure de moins de 2 %.

Conflit avec Bruxelles

Pour compléter le tableau, la production autrichienne est au cœur d’une récente polémique. À la suite d’un audit commencé en 2017, Bruxelles estime que le pays a appliqué de manière très laxiste les règles européennes relatives à la bio. Les dirigeants autrichiens ne le contestent pas, mais se défendent en disant que celles-ci ne sont pas adaptées à un pays où les conditions de production sont dominées par une agriculture de moyenne montagne.

En 2018, la Commission a retenu 1,75 million d’euros d’aides à l’agriculture bio autrichienne. Pour 2019, les sommes pourraient être plus élevées si le pays ne met pas fin aux exceptions.

Les agriculteurs sont inquiets. Dans ce pays qui ne peut cultiver que 1,4 million d’hectares, faire du blé ou du maïs à l’export n’a pas de sens. La bio est une chance de survie pour beaucoup d’entre eux.

Christophe Dequidt