Le nombre d’agriculteurs diminue chaque année aux États-Unis. Mais lors du dernier recensement agricole, c’est le vieillissement des exploitants américains qui a interpellé. En une dizaine d’années, les plus de cinquante-cinq ans sont passés de 50 à 62 %. Si le nouveau gouvernement travaille sur quelques pistes pour ouvrir la porte aux agriculteurs débutants, les contraintes structurelles freinent les initiatives.
Dans la liste des étapes à surmonter, l’acquisition de terres est la barrière la plus difficile à franchir, même quand on est fils d’agriculteurs. Eric Carey, éleveur de vingt-huit ans dans le centre de l’État de New York, a amélioré les bâtiments et augmenté le troupeau de 200 à 300 vaches laitières à son arrivée. Mais la surface n’a quasiment pas bougé. « J’ai repris une poignée d’hectares, mais ça aurait été difficile d’en reprendre plus, dit-il. La pression foncière est devenue très forte, surtout depuis quelques années. Dans la région, c’est entre 8 000 et 12 000 dollars l’hectare à l’achat. Même la location est devenue compliquée. » Aujourd’hui, les trois quarts des jeunes agriculteurs évoluent sur des exploitations de moins de 100 ha et la moitié sur moins de 30 ha.
Prix des terres prohibitif
Cet accès à la terre est l’un des principaux chevaux de bataille de la NYFC (1), syndicat créé en 2010. Dans un rapport publié fin 2020, il alertait sur la difficulté de transmettre du foncier et en appelait au gouvernement. Son idée : faire intervenir l’État pour qu’il achète le foncier aux cédants, avant de le revendre ou de le louer aux aspirants. Car beaucoup de terres sont vendues ou louées entre exploitants sans même être mises sur le marché. « Deux tiers des terres agricoles seront cédées dans les décennies à venir. Sans un effort gouvernemental concerté pour les transférer à des jeunes, et en particulier aux jeunes agriculteurs noirs ou autochtones, cette transition ne sera pas équitable », prévient Sophie Ackoff, codirectrice du NYFC.
Fort endettement
Thème souvent évoqué, le fort endettement des jeunes diplômés est un problème qui touche aussi l’installation. Quand certains peinent à obtenir des prêts, d’autres préfèrent se tourner vers des emplois salariés pour assurer le remboursement de leurs emprunts. Les programmes de l’USDA (2) dédiés aux nouveaux installés – du microcrédit jusqu’à des prêts de 600 000 dollars à conditions préférentielles – ne parviennent pas à enrayer le phénomène. Pour la NYFC, la solution doit passer par un effacement de la dette étudiante des jeunes agriculteurs ou une plus forte baisse du taux des prêts. De son côté, Eric Carey reconnaît avoir eu des conditions plutôt favorables pour s’installer, mais il ressent aussi la responsabilité qui lui incombe. « La ferme est dans la famille depuis cinq générations et mes parents me transmettent une exploitation qui fonctionne bien. Quand ils prendront leur retraite, il faudra que je m’organise différemment. À moi de continuer de l’améliorer pour que ça dure. »
(1) Coalition nationale des jeunes agriculteurs.
(2) Département américain de l’Agriculture.