Basile et Audrey Piot ont quitté la ferme familiale de Barbery, dans l’Oise, le 3 août, chaussures de marche aux pieds et paquetage sur le dos, avec leur foi en bandoulière. Les premiers kilomètres à travers la Champagne, la Lorraine puis l’Alsace sont laborieux pour les corps, malgré leur bonne condition physique. Mais qu’importe, leur force est ailleurs. Ils la puisent dans la générosité de ceux qui acceptent de les héberger pour la nuit, parfois avec une spontanéité « déconcertante ». Pour convaincre, ils n’ont que leur regard, rieur et engageant, et un brin de culot. « Il faut essayer en moyenne quatre portes avant d’en trouver une qui s’ouvre vraiment », confie Basile. Cette bienveillance de l’âme humaine permet de poursuivre le chemin. À mesure qu’ils avancent, ils se nourrissent des témoignages de ces personnes rencontrées sur leur route. Cette quête de spiritualité les amène petit à petit vers le renoncement aux biens matériels, qui fait autant partie de leur pèlerinage que les 150 à 180 kilomètres qu’ils parcourent chaque semaine.

Un voyage parenthèse

Les deux trentenaires espèrent être à Athènes pour Noël et arriver à Jérusalem autour du 15 février, pour prendre le temps d’y cheminer. Ils vont ainsi parcourir 5 000 kilomètres en sept mois, en comptant deux trajets en bateau, Athènes-Izmir et Antalya-Jérusalem.

Basile est agriculteur sur une exploitation de grandes cultures, avec une diversification en asperges et libre cueillette de fraises. Jusqu’à maintenant, le couple avait mis entre parenthèses ses envies d’escapade. « Si on voulait partir, c’était maintenant ou jamais », assure la jeune femme, qui compte s’installer à son retour. La période allant de la fin des moissons 2019 aux travaux de printemps 2020 s’est avérée une fenêtre de tir acceptable, même si Aurore et Basile savent que ce choix aura des incidences sur les récoltes à venir. Tous les deux fervents d’expériences en pleine nature, ils n’envisageaient pas de découvrir simplement un pays. Il fallait quelque chose de plus engagé. Marqués par le récit d’un couple qui a remonté tout le continent africain jusqu’à Jérusalem (1) en trois ans, ils ont tracé leur propre route, à la rencontre des agricultures et des modes de vie.

« Toute notre famille nous soutient, notamment mon père, qui va s’occuper de la ferme pendant mon absence », souligne Basile. Fin septembre, en traversant la frontière entre l’Italie et la Croatie, les « pèlerins et paysans (2) » se sont arrêtés pour contempler les contreforts des Alpes se jeter dans la mer Adriatique. « Le même sentiment singulier nous a traversés à cet instant », raconte Audrey. Ils gagnaient les Balkans, leur aventure commençait vraiment.

Pauline Bourdois

(1) Africa Trek. Dans les pas de l’homme, par Sonia et Alexandre Poussin.

(2) Compte Instagram.