«Derrière, derrière, reculez ! » Sur les terrains de rugby, ses coups de sifflet font autorité. Lorsqu’Aurélie Groizeleau annonce quelque chose, mieux vaut l’écouter. Madame l’arbitre supervise une quarantaine de matchs par saison. Elle pénalise, sanctionne, accorde. « Quand j’entre sur la pelouse, je ne suis plus Aurélie, je suis comme une juge, dit-elle. En face de moi, il y a deux équipes à tenir et une rencontre à mener au bout. »

La mère de famille de 30 ans a vu sa carrière de joueuse stoppée à 19 ans à cause d’une grave blessure à un genou. « Il y a eu un deuil à faire, lâche-t-elle, de l’émotion dans la voix. Aujourd’hui, c’est oublié, je suis arbitre à 100 %. »

Après avoir longtemps officié avec des hommes au niveau amateur, elle a récemment été sollicitée pour encadrer des rencontres internationales féminines. D’abord sur la touche, puis comme arbitre principale. En mars, elle est même devenue la première Française à être au sifflet d’un match du Tournoi des Six-Nations féminin. Elle n’oublie pas « ce moment incroyable ». Presque un « honneur », savoure-t-elle. Ses obligations l’ont emmenée sur des pelouses en Italie, en Angleterre, aux États-Unis et en Australie.

Des pigeons reproducteurs

Malgré tout, les indemnités perçues ne lui permettent pas encore de vivre de sa passion pour le ballon ovale. Entre deux rencontres, elle est donc de retour chez elle, à Marans (Charente-Maritime), où se trouve l’exploitation qu’elle gère avec son père et son beau-frère depuis 2013. Et il y a du travail : en plus des cultures, il faut s’occuper de 7 000 couples de pigeons reproducteurs. « Comme sur un terrain de rugby, je suis polyvalente, je peux occuper tous les postes, sourit-elle. Vous ne me croirez peut-être pas mais l’agriculture a toujours été dans un coin de ma tête. La terre est indispensable à mon équilibre. » La sportive ne devrait cependant pas avoir le temps de roucouler dans la ferme familiale dans les mois à venir. Son planning de matchs se remplit à vitesse grand V. Et, le Mondial féminin de 2021 approche. Y être, susurre-t-elle, « ce serait le Graal ». Sa voix, jusque-là posée, prend de la hauteur : « Une Coupe du monde en Nouvelle-Zélande, le pays du rugby… Vous imaginez ? » Motivée, elle a demandé à accélérer les cours d’anglais. Qu’elle se rassure : dans l’hémisphère Sud, les pigeons dormiront encore lorsqu’Aurélie ouvrira l’œil pour se rendre au stade. Alban Loizeau