La Commission européenne sortante s’est fait un beau cadeau de départ : un accord recherché depuis près de vingt ans avec les pays du Mercosur. La manœuvre a été habile et bien orchestrée, tant au regard de l’agenda politique sud-américain que de celui européen, entre les élections au Parlement et la nouvelle Commission.

L’accord est annoncé comme devant bénéficier aux économies de l’Union européenne (UE). Le banquier de la négociation n’en est pas moins le secteur agricole, qui devra payer la facture avec des ouvertures de contingents d’importation substantiels sur ses marchés sensibles. Depuis lors, la Commission a entrepris une vaste opération de déminage auprès des États membres, du Parlement européen et des médias.

S’agissant de la viande bovine, deux arguments sont mis en avant en boucle. Le premier est le fait que, depuis la conclusion de l’accord Ceta avec le Canada, ce dernier n’a quasiment pas exporté de viande de bœuf vers l’UE. Le pays peine même à remplir le cahier des charges européen jugé complexe et coûteux. Le second argument se réfère aux clauses de sauvegarde. Elles pourraient être activées, notamment en cas de non-respect des engagements environnementaux du Brésil. De surcroît, si une crise devait se profiler, la Commission promet de mobiliser 1 Md€ en faveur de la filière. Des questions émergent néanmoins.

Peut-on comparer le Canada avec le Mercosur ? Les filières « viande Mercosur » sont très compétitives, en mesure de se structurer pour répondre aux exigences sans hormone, sans farine… Certes, le Brésil peine à assurer la qualité sanitaire, la traçabilité de ses ateliers d’engraissement et de ses abattages.

Par ailleurs, peut-on se reposer sur les autorités locales du Mercosur pour le respect des exigences sanitaires européennes et des engagements environnementaux, alors que le président brésilien souhaite reprendre en main l’agence environnementale brésilienne ? Il lui reproche d’avoir dévoilé de fausses informations sur les chiffres catastrophiques de la déforestation en Amazonie. Des contrôles sérieux, tant des acteurs des filières agricoles du Mercosur, que de l’évolution de la déforestation, seront la clé. Les moyens satellitaires existent pour suivre cela quasiment à l’arbre près, et l’UE est leader en la matière ! Enfin, le milliard d’euros annoncé n’existe pas réellement dans le budget européen.

Deux visions s’affrontent : attendre la crise et utiliser de l’argent public pour cautériser tant bien que mal, ou anticiper et utiliser cette enveloppe au plus vite afin de financer un plan européen d’ambition pour notre secteur bovin.