En dix ans, les contrats de filière sont passés du stade d’expérimentation à celui de fer de lance du « made in Italy ». Ils lient plusieurs acteurs d’une même filière. Des agriculteurs signent avec des organismes de collecte, le plus souvent de grosses coopératives, et ces dernières avec une industrie agroalimentaire. Tout au long de la chaîne, des techniciens conseils indépendants et un organisme de recherche sont présents.

Du semis à la récolte

Les scientifiques décèlent les meilleures variétés cultivables et les itinéraires techniques adaptés pour une zone en question. L’organisme de collecte achète ces variétés aux agriculteurs qui s’engagent à livrer leur récolte. À cet effet, le collecteur investit dans des cellules de stockage, pour ne pas mélanger les grains de qualités diverses. L’industriel achète toute la production répondant à ses critères de qualité, à un prix indexé sur des indices fixés à l’avance. Le technicien, souvent lié à un syndicat agricole, indépendant du fournisseur d’intrants, assure le suivi des cultures du semis à la récolte, et surveille la transparence tout au long de la filière. « Quitte à dénoncer les abus de position dominante des industriels ou les mauvaises conditions de stockage du collecteur qui détériorent la qualité payée au céréalier », explique Lorenzo Martinengo, coordinateur technique de la Coldiretti Piémont.

Avant la structuration de ces contrats, les industriels se fournissaient en fonction de leurs exigences de qualité sur les marchés internationaux, alors que les agriculteurs cultivaient des grains qui ne trouvaient pas preneurs. « Il a suffi qu’ils se parlent et se coordonnent », résume Lorenzo.

Raffaele Tortalla, cinquante-huit ans, éleveur bovin et caprin à Fossano, consacre 4 hectares par an à la production de blé tendre sous contrat. Une vingtaine de fermes avaient osé s’engager dès 2002, elles sont aujourd’hui quatre cent cinquante dans le département de Cuneo.

Bonus de 3 à 4 €/q

Raffaele vend son blé à Cap Nord Ovest, qui collecte au total 18 000 tonnes pour les fabricants locaux de biscuits (Barilla) et de panettone. Ilestime que répondre au cahier des charges de ces industriels lui coûte 0,50 € par quintal de plus que pour une qualité standard, mais est valorisé 3 à 4 €/q supplémentaires, ce qui lui permet de vendre sa production 17 €/q. « Non seulement je suis bénéficiaire mais, en outre, j’ai la garantie que la récolte trouvera preneur. Sans compter que, dans notre région soi-disant peu propice au blé, nous avons réussi à le réintégrer dans nos assolements », conclut-il, satisfait.

Diego Bono, directeur de Cap Nord Ovest, ajoute que les agriculteurs qui ont souscrit au contrat de filière se voient offrir l’assurance récolte par leur coopérative. En 2019, Cap Nord Ovest a engagé dans ce système 1 800 ha de blé et 130 ha d’orge. Elle continue à collecter des céréales hors contrat. « Chaque agriculteur est libre de ses choix, ce ne sont pas des contrats d’intégration », affirme le directeur. Chaque année, il lui reste d’ailleurs du triticale, pour lequel il a du mal à trouver des clients.

Petit à petit, les contrats de filière gagnent du terrain. En Piémont, Ferrero a signé l’an dernier un contrat de 3 000 ha de noisettes avec l’entreprise Ascopiemonte, et de 500 t par jour de lait avec le collecteur Inalpi .

Gaia Campguilhem