Poursuivis pour importation de médicaments vétérinaires sans autorisation et transport de marchandises réputées importées en contrebande, les agriculteurs avaient été condamnés en première instance en décembre 2013 par le tribunal correctionnel de Bayonne à des amendes douanières de 1 700 à 18 000 euros pour avoir importé ces médicaments dépourvus d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France entre 2006 et 2009.
Ils avaient fait appel, mais la cour d’appel de Pau avait interrogé la Cour de justice de l’Union européenne sur une interprétation du droit communautaire, en lien avec la libre circulation des marchandises, et décidé d’attendre l’avis européen avant de se prononcer.
Les éleveurs plaidaient la bonne foi
La Cour européenne, dans un arrêt du 27 octobre 2016, avait reconnu aux éleveurs le droit d’acheter un médicament vétérinaire dans un autre État membre de l’UE, sous certaines conditions, notamment qu’il soit identique ou similaire au produit commercialisé en France, et bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché dans le pays concerné.
Les éleveurs plaidaient la bonne foi, indiquant avoir profité comme de très nombreux collègues, d’un effet d’aubaine, pour se procurer en Espagne des médicaments beaucoup moins chers qu’en France, délivrés par un vétérinaire et avec un agrément du gouvernement provincial navarrais, donc à leurs yeux en toute légalité.
Leurs avocats estimaient que leur seul tort avait été « de faire jouer la libre circulation au détriment du lobby pharmaceutique ». « C’est une énorme satisfaction », s’est félicité jeudi l’avocat de plusieurs éleveurs, Me Antoine Tugas. « Celle des éleveurs à qui on disait depuis des années par le biais des autorités judiciaires et douanières que cette possibilité ne leur était pas offerte. Nous avons plaidé […] que cette possibilité leur était offerte par les traités communautaires tels qu’ils sont en vigueur, et la Cour nous a donné raison ».
« 2 à 17 fois plus cher en France »
La cour d’appel a débouté le Conseil de l’ordre des vétérinaires et le Syndicat national des vétérinaires, parties civiles, de leurs demandes. « Il y avait deux poids, deux mesures, c’est-à-dire qu’un même médicament, aux molécules identiques et aux effets similaires, coûtait 2 à 17 fois plus cher en France qu’il n’était vendu en Espagne », a ajouté Me Tugas.
Pour lui, la décision de la cour d’appel « fera date, car […] c’est une forme d’interpellation de l’autorité publique ». « Quand on connaît les difficultés des éleveurs aujourd’hui, on mesure l’impact que cette décision aura sur les exploitations », a-t-il estimé.
La Coordination rurale « se félicite » vendredi dans un communiqué de la décision de la cour d’appel de Pau. « Cette victoire est due au travail acharné de Daniel Roques, agronome et juriste, président d’Audace, qui travaille en partenariat avec la Coordination rurale sur de nombreux dossiers dans la défense des intérêts des agriculteurs », indique le syndicat.