La vague de froid qui a enveloppé l’Europe de l’Ouest n’a pas épargné la politique européenne. Le climat s’est durci en quelques jours, tant sur le front des négociations du Brexit que sur celui des discussions à propos de l’avenir du budget européen, et de la Politique agricole commune en particulier.

Après avoir multiplié les déclarations rassurantes au début de l’année, le commissaire au budget, Günther Oettinger, s’est montré nettement moins accommodant avec le monde agricole ces derniers jours. Alors qu’il promettait sur tous les tons depuis des mois que l’agriculture ne paierait pas le prix du Brexit, il a laissé entendre que la Commission pourrait proposer une baisse de 10 % du budget de la Politique agricole commune en mai prochain. Soit une coupe de plus de 5 milliards d’euros.

On serait alors bien loin du strict coût du départ britannique appliqué à la Pac, qui s’élève à 2,7 milliards d’euros. Presque deux fois plus, en réalité. On serait même très loin de l’application des principes que le même commissaire avance publiquement quant aux efforts attendus des politiques européennes traditionnelles. Quand il s’agit de ponctionner, y aurait-il deux poids, deux mesures ?

L’analyse précise du coût du Brexit pour le budget total communautaire, prenant en compte l’ensemble des paramètres, permet d’évaluer entre 6,6 et 9,4 milliards d’euros le manque à gagner lié au départ britannique. Le chiffre exact est impossible à établir tant que le résultat de la négociation avec Londres n’est pas connu, ce qui ne sera pas le cas avant le mois d’octobre, au mieux. Si la Commission proposait réellement une baisse de 10 %, cela signifierait donc, une nouvelle fois, qu’elle est prête à raboter sans états d’âme le budget de la Pac.

Une crise commerciale pourrait-elle s’ajouter, en plus, à une crise du budget de la Pac ? Le regain de tension entre les négociateurs européens et britanniques ne permet plus à présent d’écarter le scénario d’une absence d’accord entre Londres et Bruxelles, et d’un départ brutal au 29 mars 2019. Celui-ci aurait des conséquences délétères pour l’une comme pour l’autre partie. Il provoquerait des tensions considérables sur les échanges, en particulier concernant les 35 milliards d’euros de produits agricoles et alimentaires exportés par l’UE vers le Royaume-Uni. Bien entendu, les Britanniques n’arrêteraient pas de se nourrir et continueraient de dépendre des importations. Mais ils n’auraient aucune raison, autre que la proximité, de s’approvisionner en Europe plutôt qu’ailleurs, dès lors que des droits de douane seraient appliqués à des niveaux importants.

Dans ce contexte d’incertitude extrême, il apparaît encore plus improbable de parvenir à créer les conditions d’un climat serein pour négocier une réforme de la Pac…