Un process expérimental
La difficulté n’est pas de faire se multiplier des cellules de muscles. Nous le faisons déjà à des fins de recherche avec des cellules animales. En revanche, si l’on veut produire ces « amas de cellules » à une échelle industrielle et commerciale, à destination de l’alimentation humaine, il reste encore des freins techniques à lever. Il faudrait trouver un substitut au sérum de veau fœtal, qui sert aujourd’hui de milieu de culture. Puis, s’assurer que les hormones de synthèse ajoutées, ainsi que les antibiotiques et antifongiques, n’ont pas de répercussions négatives sur l’homme. Enfin, il faudra concevoir un incubateur géant, maintenu à 37°C, ce qui est très énergivore.
Sans goût et sans couleur
Le résultat obtenu est un amas de cellules de quelques centimètres de haut. L’aspect est plus proche d’un steak haché que d’un muscle, et il n’y a ni nerf, ni vaisseau sanguin, ni cellule adipeuse… Rien à voir avec de la viande ou du muscle, qui demande en outre un temps de maturation avant d’être mangée ! La viande artificielle doit être assaisonnée pour avoir du goût et une couleur acceptables.
L’innovation fait le buzz
En 2013, le scientifique néerlandais Mark Prost a fabriqué un premier faux steak, pour un coût exorbitant de 250 000 €. Selon lui et quelques laboratoires privés, et leurs mécènes, aux États-Unis ou en Israël, la viande artificielle sera une solution pour nourrir la population mondiale. Ils bénéficient d’une puissance médiatique impressionnante. La presse grand public a tendance à en diffuser une image déformée et idéalisée à des citadins déconnectés des réalités de l’élevage. On leur fait croire que la culture de cellules permet de produire des quantités infinies et de qualité de viande in vitro, sans passer par l’élevage et l’abattage des animaux, et sans impact négatif sur l’environnement… Or, jouer sur ces arguments, c’est faire oublier les nombreux bénéfices de l’élevage dans ses dimensions économiques, sociales et gastronomiques et d’entretien des territoires.
Les gens ne sont pas prêts
Les études sociologiques montrent que deux tiers des consommateurs ne sont pas prêts à se nourrir de viande artificielle. Il est intéressant de voir comme la façon de présenter le sujet oriente les réponses ! La première réaction est souvent le rejet. Mais, si c’est pour nourrir le monde sans tuer d’animaux, ils pourraient envisager d’en manger. Cependant, en général, les peurs sur la sécurité sanitaire du produit l’emportent. Et puis, ne confondons pas ceux qui voudraient bien la tester, mais ne comptent pas en consommer régulièrement.
Réduire le gaspillage
Si l’objectif est d’arriver à nourrir les 9 milliards d’habitants en 2050, la solution n’est sûrement pas dans la recherche sur la viande artificielle. Il y a des actions plus rapides et efficaces à prendre, comme réduire le gaspillage (30 % de la production totale d’aliments) ou encore l’application de l’agroécologie en élevage. C’est dans ces domaines que s’oriente, notamment, la recherche publique.
(1) « La viande du futur sera-t-elle produite in vitro ? » dans « Inra Productions animales », 2013.
Voir aussi, sur YouTube, sa conférence « Mangerons-nous de la viande artificielle en 2050 ? », TEDxDunkerque, novembre 2017.