Une contrepartie à la concentration

L’Autorité de la concurrence (ADLC) vient de rendre une décision importante, publiée le 24 janvier, dans le cadre de la fusion entre la Coopérative agricole de Mayenne (Cam) et Terrena. Tous les rapprochements de coopératives ont été jusqu’à présent validés par l’ADLC, qui y voit la possibilité de renforcer le pouvoir de négociation de l’agriculture face à un aval (industries et grande distribution) plus puissant qu’elle. Toutefois, l’ADLC veille à ce que les associés coopérateurs ne se trouvent pas pieds et poings liés avec des coopératives si puissantes sur le marché, qu’elles pourraient imposer à leurs membres des conditions d’achat ou de vente non compétitives. C’est pourquoi, elle impose parfois aux coopératives de prendre des engagements, afin de redonner une certaine liberté aux associés coopérateurs.

Dans cette décision, Terrena s’est ainsi engagée à modifier ses statuts, qui prévoyaient, comme dans de nombreuses coopératives, que ses adhérents devaient se fournir à 100 % auprès d’elle, et lui livrer la totalité de leurs récoltes en céréales et oléoprotéagineux..

Un apport minimal de 55 %

Dorénavant, cette obligation d’apport est réduite à un minimum de 55 %, ainsi que l’obligation d’approvisionnement pour les produits d’agrofournitures végétales. En effet, l’ADLC veut laisser la possibilité aux associés coopérateurs de s’adresser à des concurrents pour une part substantielle de leurs achats et de leurs ventes, en particulier en cas de hausse des prix de vente ou de baisse des prix d’achat. Les agriculteurs doivent avoir une alternative. S’ils se fournissent ou livrent la coopérative, ce doit être par choix, et non pas parce que ce serait le seul opérateur de leur territoire.

Si elle permet de rendre une certaine liberté aux adhérents de Terrena, la fusion entre Terrena et la Cam aura, en revanche, pour conséquence d’imposer aux ex-adhérents de la Cam une obligation d’apport et d’approvisionnement à hauteur de 55 %, alors que ses statuts n’en prévoyaient pas. Mais tel est le fonctionnement d’une coopérative : des engagements réciproques pour servir l’intérêt de tous. Le taux de 55 % n’a pas été choisi au hasard. L’ADLC a considéré qu’avec un chiffre plus élevé, les concurrents n’essayeraient même pas d’entrer sur les marchés et territoires de Terrena.

Délier collecte et appro

Dans une précédente décision concernant la fusion d’Agrial et Elle&Vire, Agrial s’était engagée non seulement à réduire l’obligation d’approvisionnement et d’apport pesant sur ses adhérents, mais également à ne plus conditionner la collecte du lait de ses adhérents à une obligation d’achat préalable de semences, engrais, produits phytosanitaires et aliments pour bétail auprès de son réseau de distribution. Autrement dit, les activités de collecte et d’agrofourniture devaient être indépendantes, afin de permettre le maintien d’une certaine concurrence sur le marché de la distribution de produits d’agrofourniture.

Le contrôle des concentrations semble donc être un moyen, pour l’ADLC, de s’immiscer dans les relations entre coopératives et coopérateurs, alors que la Cour de cassation se refuse à une telle ingérence (1).

Propos recueillis par Nadia Savin

(1) Lire également, en page 19, la réaction de Coop de France après cette décision de l’ADLC.