Quand on n’a rien ou peu

L’aide alimentaire, en France, concerne chaque jour 3 millions de personnes, et occasionnellement 8 millions. Parmi ceux-ci, il y a de plus en plus de jeunes, de retraités, de ruraux et… de paysans en difficulté qui, trop souvent, n’ont plus de jardin. Enfin, le budget de 20 millions de Français ne leur permet pas de choisir leur nourriture.

Une économie en soi

L’aide alimentaire est aujourd’hui une véritable économie en soi. Si on valorise le travail des 65 000 bénévoles, c’est un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros par an, bénéficiant pour 95 % aux industries agroalimentaires qui en profitent pour défiscaliser les excédents. Depuis 2010, l’aide alimentaire est inscrite dans le code rural (1) comme une activité agricole. Pour nous, c’est un échec !

Une charité moderne

Cette forme modernisée de la charité, qui est devenue un marché comme un autre, nous est insupportable. Nous pensons que cette situation n’est pas soutenable à terme. Il y a deux grands absents dans cette économie : les paysans qui produisent et les personnes qui reçoivent cette aide. Ils n’ont aucun contact entre eux. À travers des rencontres avec des associations comme l’Armée du salut, nous tentons de comprendre les contraintes, budgétaires et autres. Et aussi de faire comprendre quelles sont les nôtres.

La nourriture jetée

Lorsque, dans un restaurant ouvert aux gens qui ont de faibles revenus, une partie non négligeable de la nourriture est jetée, lorsque dans la restauration scolaire la même situation est observée, nous nous interrogeons : quelle qualité accepte-t-on de servir aux personnes pauvres, mais aussi à ceux qui ont un budget contraint ? La question est celle du lien entre le mode de production choisi et les caractéristiques de l’accès à l’alimentation. Est-ce que la nourriture de qualité produite localement est destinée au public assez aisé ? Est-ce que la filière agroalimentaire (production, transformation, distribution) est en mesure de le faire sans instituer la charité bien ordonnée ? La production locale ne fera pas tout. Mais elle fait partie de la réponse « qualité » et de l’implication des paysans dans cette démarche.

Bien se nourrir

Nous souhaitons introduire la question de la justice sociale dans les choix de production. Il y a un lien entre l’appauvrissement d’un grand nombre de paysans et les difficultés que rencontrent de plus en plus de nos concitoyens pour se nourrir de manière satisfaisante. Des initiatives se mettent en place pour répondre à cette interrogation : prix différenciés, paniers solidaires, épiceries sociales, glanages, Amap… Nous les examinons pour voir ce qui les distingue de la charité modernisée. Qui décide ? Qui bénéficie ? Qui donne ? Comment le prix est fixé ? Quelle connaissance ont les acteurs les uns des autres ? Tous les systèmes de distribution alimentaire doivent pouvoir être examinés à travers ces critères.

Marie-Gabrielle Miossec

(1) Article L230-6, loi du 27 juillet 2010.