«Je ne chausse mes baskets qu’à la Korrika (1). Le reste de l’année, je cours uniquement derrière mes animaux, confie Xole Aire, éleveuse dans la vallée des Aldudes (Pyrénées-Atlantiques), à la frontière espagnole. Avant d’avoir des enfants et de reprendre seule la ferme familiale, je randonnais. Maintenant, je n’ai plus le temps. » La dynamique quadra ne s’est pas engagée dans cette course pour l’exploit sportif, mais pour la cause qui lui est chère : la défense d’euskara, sa langue maternelle, qu’elle a enseignée pendant douze ans.
La Korrika traverse le Pays basque tous les deux ans, durant dix jours, 24 heures sur 24. Pour favoriser l’esprit collectif, les kilomètres sont le plus souvent achetés par des associations ou collectivités. « Depuis sa création, je cours à chaque édition, mais jamais au sein de la même association »,confie Xole.
Un engagement de fond
Des concerts, spectacles de danse, tournois de cartes, parties de pelote, ventes de gâteaux sont organisés avant la course pour mobiliser et financer les inscriptions. Le jour J, et selon l’heure de passage, sont prévus des petits-déjeuners, déjeuners, dîners… Les communes s’animent à des heures incongrues, les personnes âgées sortent pour applaudir, les cœurs vibrent au son de la sono.
En 2015, Xole a coorganisé le départ de son village d’Urepel : 315 habitants, 5 000 coureurs ! « La veille, les gens sortaient intrigués, nous questionnaient. Pourquoi tant d’agitation ? Pour la défense d’une langue qu’ils connaissent, mais qu’ils ne voient pas forcément l’intérêt de transmettre », déplore la militante.
Ce relais symbolise la transmission de l’euskara. À chaque kilomètre, un témoin contenant un message, lu à l’arrivé, est passé à un coureur. « Dire qu’autrefois le bâton de l’instituteur servait à taper sur les élèves qui parlaient basque, c’est un beau symbole, dit-elle. Ce que je préfère dans cette course, ce sont les parents qui portent leurs enfants sur leurs épaules, les fauteuils roulants poussés, autant d’images qui disent qu’une langue ne s’apprend pas seul, mais en interaction avec les autres. Et puis, qu’il faut faire un effort individuel et collectif. » Son engagement, Xole en est convaincue, est une course de fond.
(1) Qui se traduit par « en courant ».