Qu’on se le dise : il faut porter la même attention au stockage des céréales qu’au suivi des cultures. Or, près d’un tiers des céréales seraient stockées à la ferme. L’idée est donc de préserver la qualité technologique, sanitaire, nutritionnelle et organoleptique des grains tout au long de leur conservation. Pour cela, il faut éviter l’apparition de moisissures, de toxines, d’échauffements, et supprimer tout insecte vivant comme le précisent de nombreux contrats.

Dans des conditions de températures et d’humidité souvent réunies juste après la récolte, ces derniers pullulent très rapidement. Une population de charançons se multiplie par 25 en moins d’un mois ! Il est donc essentiel de privilégier toutes les actions préventives à disposition car, en matière de désinsectisation, la prophylaxie est reine.

Entretien des installations

Alors, tous à vos brosses « tête de loup », vos aspirateurs et vos soufflettes ! Il est temps de penser au nettoyage des installations, première étape incontournable à mettre en œuvre dès que les cellules ou les cases sont vidangées. Petit rappel au sujet des insectes : ils ne viennent pas des champs, mais survivent dans les bâtiments et le matériel en se nourrissant de grains cassés et des poussières.

Thierry Guérin, agriculteur à Congerville-Thionville (Essonne), en bio depuis 2010, dispose d’installations de stockage depuis 1962. Il est très méticuleux. « Lors de la vidange, je ne laisse aucun grain dans les cellules, surtout sur les parois verticales, précise ce dernier. Juste avant la moisson, j’utilise un aspirateur puissant pour éliminer le maximum de poussières, depuis la charpente du bâtiment jusqu’au fond des cônes de vidange. Je démonte aussi les gaines de ventilation pour les passer systématiquement au nettoyeur haute pression. » De son côté, Arvalis précise que ce travail s’effectue du haut vers le bas.

À la récolte, il faudra aussi régler la moissonneuse de façon à ce que la teneur en impuretés du grain (balles, paille et grains cassés) soit réduite, car elles favorisent la présence des insectes.

Une moissonneuse impeccable

C’est le cas d’Alexandre Deneau, agriculteur conventionnel à Greneville-en-Beauce (Loiret). Sous contrat CRC avec la coop de Boisseaux, il stocke une grosse part de ses blés meuniers avec interdiction d’utiliser des insecticides. Sur son exploitation, les insectes n’ont jamais posé de problème car il a toujours été extrêmement attentif à mettre en œuvre des mesures prophylactiques. « Il faut nettoyer le fond de trémie de la moissonneuse durant l’hiver et avoir des remorques impeccables, complète Alexandre. Je récolte les céréales à maturité. J’évite ainsi d’avoir un grain trop humide, qui s’échaufferait par la suite et entraînerait une mauvaise conservation. À cela s’ajoute un nettoyage des locaux quand ils sont vides et 15 jours avant la récolte. »

L’utilisation d’un nettoyeur séparateur permet aussi d’éliminer d’autres impuretés. En outre, il est efficace pour supprimer les adultes d’insectes primaires (comme les charançons et capucins), ainsi que les insectes secondaires (silvains, triboliums, par exemple).

De récents essais ont démontré que le nettoyage et le transilage des grains auraient un impact direct sur les formes cachées, c’est-à-dire les larves des insectes primaires, et plus particulièrement sur le dernier stade larvaire et la nymphe. Arvalis précise que « le nettoyage des grains réalisé à intervalles réguliers sur une infestation détectée précocement permet d’atteindre une mortalité très élevée, voire totale. »

Piloter la ventilation

L’autre point primordial pour stocker les céréales dans de bonnes conditions et pour gérer l’essentiel des insectes reste la ventilation du grain. Cette dernière diminue la température du grain qui, à la récolte approche 30 °C, température favorable au développement de moisissures comme d’insectes.

« Pour ma part, j’utilise un ventilateur équipé d’un thermostat qui permet de descendre la température par palier », explique Thierry Guérin, qui insiste sur l’importance de l’entretien des gaines perforées laissant passer l’air. Il a remarqué que, depuis qu’il ne fait plus de pilotage manuel mais qu’il utilise des sondes placées sur le haut des cellules, la ventilation est plus efficace et fonctionne moins de temps. Arvalis complète : « Notre outil Sec-Lis, distribué par MTE, permet de bénéficier de toutes les heures « fraîches ou froides » quel que soit le moment de la nuit. »

Atteindre la température idéale

Thierry baisse la température en deux paliers car souvent sa marchandise est expédiée en hiver. De son côté, Alexandre Deneau stocke plus longtemps et intervient en trois fois : à la récolte, puis à l’automne et enfin en hiver. « Il y a trois semaines, nos dernières livraisons de blés étaient à 6 °C, souligne-t-il. Jusqu’alors, nous n’avons jamais eu de soucis de conservation et donc jamais eu besoin d’utiliser d’insecticides. » Pour y arriver, il doit régulièrement surveiller les températures pour ventiler si nécessaire. Mais le jeu en vaut la chandelle, puisque son blé CRC est payé 10 à 15 €/t de plus.

Arvalis ajoute que la première ventilation juste après la récolte a pour but d’atteindre 18 °C. Si elle a déjà un premier effet répulsif sur les insectes (voir l’infographie ci-contre), elle réduit également l’activité physiologique des grains.

Le deuxième palier est généralement actionné en octobre-novembre, pour abaisser le tas aux alentours de 12 °C. Cette action stoppe la fonction reproductrice chez les insectes.

La dernière ventilation est mise en place en janvier-février pour atteindre une température de 5-7 °C, qui a un effet de désinsectisation puisque les insectes ne savent pas réguler leur propre température.