Ce 11 novembre, devant l’imposant monument des Fantômes du sculpteur Paul Landowski, qui domine la plaine du Tardenois, une brise glaciale, malgré la clémence de la température, s’est mise à souffler au moment même où débutait la cérémonie. Comme pour rappeler la solennité du lieu, du moment, et les nombreuses victimes. De 530 000 habitants en 1914, la population du département de l’Aisne passera, en 1920, à 352 000 du fait des pertes civiles et militaires, et de la grippe espagnole. Il ne retrouvera sa population de 1914 qu’en 1975.
Pourtant, au cours de l’itinérance mémorielle du chef de l’état sur ces lignes de front, le présent semblait avoir pris le pas sur le passé : le prix du carburant sur la mémoire. Plus justement, le présent rattrapait le passé pour nous interpeller dans un élan commun : n’oublions pas nos poilus de la Grande Guerre, ne nous oubliez pas nous, sentinelles de la mémoire, en plein décrochage social, et n’oubliez pas nos territoires en déshérence !
Les stigmates de ces terres meurtries et la mélancolie des lieux de mémoire rappellent au quotidien la tragédie passée pour mieux souligner les souffrances présentes des populations.Villages détruits hier, dépeuplés aujourd’hui, de la Meuse à l’Avesnois, en passant par la Thiérache, les Ardennes ou la forêt d’Argonne. Un même destin affecte ces territoires, arpentés la semaine passée par le président de la République ; riches et industrieux avant la Première Guerre mondiale, puis oubliés par Paris. Pour exemple, l’ancienne route Charlemagne, qui relie Paris à Aix-la-Chapelle (la Nationale 2), est toujours en deux voies sur la plus grande partie de son parcours. Ce sentiment d’abandon n’explique toutefois pas la surprenante décision des édiles de l’Aisne de fermer pour cause de travaux, deux mois avant ce 11 novembre du Centenaire, la Caverne du Dragon, haut lieu du Chemin des Dames.