Robert Poujade, premier ministre de l’Environnement, en 1971, avait relaté son expérience dans un livre titré Le ministère de l’impossible. Tout est dit. Depuis, plus de 25 ministres et secrétaires d’État, des politiques plus ou moins expérimentés, des militants plus ou moins sincères et des techniciens plus ou moins pointus, lui ont succédé avec plus ou moins de bonheur. Plutôt moins car beaucoup ont témoigné de leurs difficultés. Il faut dire que certains se sont heurtés de front aux agriculteurs, tandis que d’autres se voulaient plus conciliants.

Sous Mitterrand, Huguette Bouchardeau reconnaissait que son avis ne pesait pas lourd, confronté au discours d’un industriel ou d’un économiste. Sous Chirac, Corinne Lepage avait titré son livre On ne peut rien faire, Madame le ministre ! Sous Hollande, face à un budget en baisse, Delphine Batho avait démissionné. Nicolas Hulot, qui avait à différentes reprises refusé le poste, savait toute la difficulté de la tâche. Il écrivait en 2005 dans Graines de possibles : « Tant qu’on ne lui donne pas une lisibilité politique et écologique réelle à même de se diffuser dans un gouvernement cohérent, un ministre de l’Environnement est condamné à prendre des coups et à mécontenter les écologistes comme les capitalistes. »

Son titre de ministre d’État n’aura guère changé la donne, car la question environnementale, malgré l’urgence climatique, se situe sur le long terme, et est subversive, alors que l’action politique doit fournir des résultats rapides et gérer des compromis. Là est le dilemme. En 1971, on disait que le critère de réussite du ministère de l’Environnement serait sa vocation à disparaître quand il aura tout résolu. Ce n’est pas le cas. Alors, à défaut d’un ministère de l’impossible, ne faudrait-il pas mieux privilégier dans chacun des ministères et administrations les enjeux à long terme, dont la question environnementale. Là serait la véritable révolution !

Précision : dans le billet de la FA du 10 août, le taux de mortalité infantile indiqué (40 pour mille) est à l’échelle mondiale ; il était en effet (et heureusement !) de 3,6 pour mille en France en 2017.