«De par ma chandelle verte. Cornegidouille ! » Écoutant s’exprimer Donald Trump avant son élection, certains se souviendront peut-être d’Ubu Roi, ce chef-d’œuvre pour potaches d’Alfred Jarry, qui donna lieu à l’expression « ubuesque » pour désigner des propos ou événements aussi absurdes qu’insolites.
Chez Trump toutefois, l’absurde, sans doute calculé, se trouve mêlé d’intelligence instinctive et de patriotisme débridé, mais en l’écoutant brader indistinctement les migrants, les femmes, les verts, la presse, les Mexicains et les paumés, on pense à la cruauté enfantine d’Ubu rançonnant la population avec son « voiturin à phynances ». Pour l’insolite en revanche, Trump paraît plutôt s’être glissé dans l’air du temps. En effet, on attendait l’échec du Brexit, ce fut un succès, et la démocratie d’origine américaine a paru relevée, à Davos, par le marxiste chinois Xi Jinping, devenu le chantre du libéralisme et de la régulation des échanges !
L’actualité me remet en mémoire un personnage au teint ensoleillé qui, sur un carrefour de mon voisinage, arrêtait les passants en leur criant : « Faut que ça change ! » On ne sut jamais ce qui devait changer mais, une lampée de « calva » aidant, il s’agissait de renouveler de gré ou de force le quotidien.
À propos de changement, j’ai connu mai 1968 : « métro, boulot, dodo, y en a marre », disait-on en espérant des lendemains qui changent et qui chantent. Aujourd’hui, ce serait plutôt : « chômage, bricolage, cafouillage. » Quand on ne peut se satisfaire de l’air ambiant, on cherche la sortie. C’est vieux comme le monde. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille souhaiter de nombreuses modifications et améliorations mais, en dépit des progrès indéniables de l’humanité, on se rend compte que le pire peut arriver et qu’un bon « tiens » vaut mieux que le rêve de deux « tu l’auras ».