La décision de Bruxelles risque de faire grincer des dents. Contre toute attente et malgré les protestations dont s’étaient fait l’écho les éleveurs bretons dans une lettre ouverte au commissaire européen à l’Agriculture mi-mars, les Pays-Bas viennent d’obtenir le prolongement de deux ans de leur dérogation permettant aux éleveurs néerlandais de produire davantage de lisier que leurs collègues de l’UE.
Entre les mailles
« L’obtention de cette dérogation n’était pas gagnée d’avance, et de nombreuses personnes ont dû plancher sur ce dossier pour convaincre la Commission européenne », a reconnu Carola Schouten, ministre néerlandaise de l’Agriculture. En effet, c’est ce qu’on appelle passer entre les mailles du filet.
Le feu vert de Bruxelles intervient alors que deux scandales ont ébranlé le secteur ces derniers mois. À chaque fois, il s’agissait de frauder avec les quantités de lisier produites.
À l’automne dernier, des révélations ont fait part de pratiques frauduleuses portant sur 25 % à 40 % du lisier produit aux Pays-Bas. Les magouilles consistaient à organiser de fausses collectes ou des stockages « bidons ». Dans d’autres cas, des exploitants déclaraient une superficie de terres supérieure à la réalité, afin d’être autorisés à en produire davantage.
Révélé en janvier, le scandale des veaux a jeté un nouveau discrédit : les éleveurs attribuaient plusieurs naissances de veaux à une même vache, bien qu’issus d’animaux distincts. Une fraude qui leur permettait de conserver un plus grand nombre de génisses. Comptabilisée comme une demi-vache, une génisse produit deux fois moins de phosphates qu’une vache, selon la réglementation. L’éleveur bénéficiait de davantage de droits de production de lisier.
Malgré tout, ces dérapages n’ont pas amené Bruxelles à mettre fin à la dérogation néerlandaise. Deux facteurs ont sans doute joué. Après avoir dépassé les plafonds européens de production de phosphates en 2015 et 2016, le pays a réussi à rentrer dans le rang en 2017. Une prouesse réalisée grâce à la réduction de la production laitière, imposée par le ministère de l’Agriculture. De plus, La Haye a mis en place, depuis janvier, un système de droits négociables de production de phosphates, promis à parer toute nouvelle dérive. Bruxelles a approuvé ce dispositif qui, bien que se présentant comme une aide publique, avait un « objectif clair de protéger l’environnement ».