Les producteurs de maïs américains sont dans une passe difficile. L’abondance de la récolte, conjuguée à la stagnation des débouchés, pèse sur les cours. Les prévisions officielles anticipent pour la campagne 2017-2018 un prix à la ferme compris entre 110 et 142 dollars/tonne, soit en moyenne 126 dollars/tonne, contre 132 dollars en 2016-2017 et 142 dollars en 2015-2016. Selon le centre de gestion agricole de l’université de l’Illinois, une exploitation type de maïs à fort potentiel de rendement (12,2 t/ha), située dans le centre de cet État, devrait perdre de l’argent pour la quatrième année consécutive, une fois payés les fermages.

Les projections à moyen terme du département américain de l’Agriculture, publiées en février dernier, ne sont pas très optimistes. Le problème tient notamment à ce que les quantités de maïs transformées en bioéthanol, qui ont quadruplé depuis 2004 et représentent désormais près de 40 % des débouchés de cette culture, pourraient diminuer dans les dix prochaines années, en raison de la baisse prévue de la consommation d’essence.

Cette situation a des conséquences politiques. Sur le plan commercial, la logique voudrait que Washington veille à ce que la renégociation en cours de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) préserve les intérêts des maïsiculteurs. L’enjeu est de taille, car le Mexique et le Canada absorbent près de 30 % des exportations de maïs américain. Mais les velléités protectionnistes de Donald Trump en matière industrielle font trembler la Corn Belt.

Sur le plan intérieur, deux questions se posent. La première concerne l’incorporation obligatoire de bioéthanol dans l’essence. Trump affiche son appui à la législation actuelle, mais certains signes – comme le souhait exprimé par l’Agence américaine de protection de l’environnement de comptabiliser dans le mandat d’incorporation le bioéthanol exporté – font douter de l’engagement effectif du gouvernement en faveur de cette filière, cible favorite des pétroliers.

La seconde interrogation porte sur le Farm Bill, qui expire en 2018. Les débats sur la prochaine loi agricole vont bon train au Congrès. Lors du dernier Farm Bill, adopté en 2014, les maïsiculteurs avaient privilégié le maintien de deux programmes de soutien : l’assurance chiffre d’affaires et des aides directes visant à lisser les recettes des producteurs par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. Mais aucun de ces dispositifs n’offre une protection suffisante lorsque les prix de marché sont bas et ne couvrent pas les coûts de production. La situation difficile dans laquelle se trouvent les producteurs de maïs, très écoutés politiquement, pourrait les inciter à faire pression en faveur d’un autre régime de soutien, déjà existant, offrant des prix garantis élevés. La fissure actuelle entre les deux rives de l’Atlantique en matière de politique agricole risque de se transformer en faille.