Dans le Montargois, à l’est du Loiret, les porteurs d’un vaste projet de retenues d’eau viennent d’obtenir les autorisations pour commencer les travaux. Dès 2009, le syndicat de rivières et les agriculteurs souhaitaient sécuriser l’irrigation et augmenter la qualité de la ressource. À l’époque, quatorze réserves, soit 1,2 million de m3 d’eau, étaient prévues entre deux rivières, dans le bassin du Puiseaux et du Vernisson, sur 15 km de long. Neuf ans après, il ne reste plus que huit retenues, souvent pour des causes techniques ou environnementale : zone humide, positionnement, type de terre, foyer de l’agrion de mercure (1)… « Il a été difficile de connaître la réglementation pour un projet collectif. Chaque agriculteur a donc présenté une étude personnalisée de sa retenue à la DDT. Un bureau d’études examine l’incidence globale des huit retenues, pour pouvoir prétendre à un financement », explique Xavier Girard, responsable du service agronomie de la chambre d’agriculture du Loiret, qui accompagne le groupe.

Moins de prélèvements

Christian Charpentier et son fils Damien, agriculteurs à Mormant-sur-Vernisson, portent un projet de 100 000 m3 de stockage. En tant qu’irrigant sur la nappe de Beauce, Christian possède un volume d’eau attribué chaque année en fonction du niveau de la nappe. S’il n’a globalement jamais manqué d’eau, il est obligé d’arrêter d’irriguer le week-end en cas d’alerte sécheresse. Une contrainte qui joue sur les rendements des cultures à valeur ajoutée, comme l’orge brassicole ou le blé améliorant. Grâce à la réserve, il pourra sécuriser son irrigation. En échange, il s’est engagé, comme les sept autres exploitants, à diminuer de 20 % les volumes prélevés sur la nappe. Cette réserve, réalisée avec de l’argile, devrait lui coûter quelque 300 000 euros, soit 3 €/m3.

Les agriculteurs viennent de créer une association pour défendre le projet. Ils sont en train de rédiger un appel d’offres pour mutualiser les travaux et les financements. L’association sera propriétaire des retenues. Un comité de pilotage, qui réunit les services de l’État, les pêcheurs et les associations environnementales, se met en place. Grâce à cette démarche de territoire, unique dans la région, l’agence de l’eau Seine-Normandie, subventionnera à hauteur de 40 à 60 % les ouvrages. « Ce qui a été le plus compliqué, c’est le changement de réglementation à chaque changement ministériel… Il faudra encore un ou deux ans pour voir la retenue fonctionner, soit plus de dix ans de projet. C’est extrêmement long », conclut Christian Charpentier.

Face à cette lourdeur administrative, un agriculteur a préféré partir seul. Sa réserve est opérationnelle depuis 2017, mais il n’a pas bénéficié des aides de l’agence de l’eau.

(1) Insecte de la famille des coenagrionidés, qui ressemble à une libellule.