À plusieurs reprises, les discussions ont failli tourner court. Mais Isabelle David, préfète des Deux-Sèvres, a conservé sa neutralité et ramené les uns et les autres autour de la table. D’un côté, les représentants du monde agricole, et notamment de la Coop de l’eau 79 qui planchait sur un projet de réserves de substitution pour stocker l’eau en hiver et irriguer l’été. Cet organisme réunit 220 exploitations irrigantes – dont la moitié d’élevage – sur le bassin-versant de la Sèvre Niortaise. Le bassin alimente le Marais poitevin, deuxième zone humide de France, et point névralgique des tensions entre agriculteurs et protecteurs de l’environnement. De l’autre, des associations écologistes, des collectifs citoyens et une ancienne ministre de l’Environnement, Delphine Batho, opposés aux réserves.

La proposition de la Coop de l’eau portait sur 15,8 millions de mètres cubes contre 24,3 millions autorisés au début des années 2000. Sur ces 15,8 millions, 8,6 devaient être stockés. Tout était prêt, les études terminées, l’enquête d’utilité publique achevée. Mais les opposants se sont organisés. En mars dernier, une manifestation rassemblait 1 500 personnes en bordure du Marais poitevin. Depuis, leur mobilisation n’a pas faibli. Pour faire bouger les positions, le monde agricole a produit un document de prospective sur l’enjeu que représentent les réserves de substitution. Elles permettraient de sécuriser l’élevage et d’apporter de la valeur ajoutée, de mettre en place des filières locales comme du soja de pays non OGM, de diversifier les productions, d’assurer des conversions en bio. Les empêcher renforcerait le modèle agricole que dénoncent les opposants. Ces derniers ont entendu les arguments et le débat est devenu plus constructif.

Projet redimensionné

Un compromis est trouvé en septembre par les deux médiateurs. Ils ont proposé que le projet soit redimensionné et que le stockage passe de 15,8 à 12,7 millions de mètres cubes, les réserves à 16 au lieu de 19. Quatre groupes de travail se sont mis en place pour réfléchir aux pratiques agricoles, à la biodiversité, à la gouvernance du projet et aux engagements des agriculteurs. Et ça a marché ! D’un projet collectif de stockage de l’eau, les réserves de substitution du bassin de la Sèvre se sont transformées en « un débat de société, un accélérateur d’un changement de modèle agricole », comme le souligne Thierry Boudaud, vice-président de la Coop de l’eau. Dans l’accord signé le 19 novembre, les agriculteurs s’engagent ainsi à faire évoluer leurs pratiques. Myriam Guillemaud