Trop de gens parlent à la place des agriculteurs de la réalité de leur secteur. Qui entend-on le plus sur cette question ? Les industries agroalimentaires, la grande distribution, les ONG, les politiques et maintenant les « people » ! Ce constat dressé par le consultant Olivier Frey est édifiant (page 68). L’observatoire 2018 du Syrpa a par ailleurs montré que seuls 17 % des messages de communication de la profession agricole s’adressent au grand public alors que cela devrait être une cible de premier plan. Pas étonnant que le prisme soit, à l’arrivée, à ce point déformé…
Il est essentiel que les agriculteurs reprennent en main leur communication et qu’elle ne leur soit plus confisquée. Dans un dossier de 14 pages, nous vous donnons de nombreuses clés pour entrer sereinement dans la danse médiatique… Sans y laisser de plumes (lire page 66). Car cela se prépare et certains pièges sont à éviter. Ce n’est pas seulement pour faire face au phénomène d’« agribashing », ce dénigrement permanent dont beaucoup d’entre vous se plaignent, mais aussi parce que nos concitoyens ont perdu le fil de ce que sont devenus l’agriculture et le métier d’agriculteur. Ce défi n’est pas uniquement l’affaire de vos organisations professionnelles ! Soyez conscients de la force et de la légitimité de votre témoignage lorsque vous parlez de ce que vous faites et encore mieux lorsque vous le montrez. Selon Eddy Fougier, auteur d’un rapport remarqué sur l’agribashing, les émetteurs les plus crédibles « sont les agriculteurs eux-mêmes (notamment les Youtubeurs) qui parlent directement et simplement de leur travail et de leur vie ». Votre voix porte donc… Elle est recherchée par les médias et est capable de faire évoluer des opinions, voire de les renverser.
Dans un contexte de plus en plus anxiogène, où certains s’emploient à exacerber les peurs autour de l’alimentation, le grand public a besoin d’entendre ceux qui sont au départ de la chaîne de production. « C’est normal et légitime ! Et une question n’est pas une attaque mais un besoin de savoir et de comprendre », souligne Jean-Marc Bèche, formateur au dialogue avec le grand public (page 70). Et s’il faut distinguer certaines catégories-cibles de Français, Eddy Fougier met en exergue les jeunes cadres citadins qui deviennent de plus en plus des prescripteurs de normes en matière de consommation, les jeunes parents qui se posent des questions sur les phytos et les conditions d’élevage, les enfants et adolescents.
Il n’est donc pas trop tard pour inverser la vapeur. Être persuadé que l’on a beaucoup de choses à gagner à se faire entendre, c’est déjà faire un bout de chemin.