«En raison d’un nombre très élevé de demandes, il n’est plus possible de déposer de dossier » : moins de deux jours après son ouverture, le site de FranceAgriMer consacré aux aides du plan de relance était déjà fermé. L’enveloppe comptait 215 millions d’euros de prime à la conversion des agroéquipements, 20 millions pour le plan protéines ou encore 100 millions pour la protection des cultures contre les aléas climatiques. Soit près de 350 millions captés en quelques heures et de nombreux agriculteurs intéressés restés le bec dans l’eau.

Sans surprise, l’un des sujets de discussion pendant cette interminable moisson 2021 est de savoir qui a profité de cette manne. L’attribution sur le principe du « premier arrivé, premier servi » a créé une compétition entre agriculteurs qui ne tient compte ni des besoins réels des exploitations, ni du risque de surendettement de certains. C’est le plus rapide qui l’emporte, sans possibilité de satisfaire le plus grand nombre en rabotant les aides de tous. Alors les rumeurs vont bon train et chacun pense connaître le profil type du bon « chasseur de subventions ». Les grands vainqueurs supposés, ce sont les Cuma. D’abord parce qu’elles sont les reines de la discipline quand il s’agit de trouver des aides, mais surtout parce qu’elles ont bénéficié d’un plafond nettement plus élevé que les agriculteurs individuels (300 000 euros contre 40 000). En plus d’être rapides et efficaces, elles se seraient montrées gourmandes.

Pourtant les seuls chiffres disponibles, ceux de la première vague du plan protéines, pointent dans une autre direction, avec une moyenne de 15 000 euros par dossier. On est donc loin de la Cuma qui profite de l’aubaine pour changer son ensileuse ou se lancer dans le toastage. Le ministère a d’ailleurs confirmé que la plupart des demandes concernaient du matériel de fenaison. Alors quel est le profil du vainqueur de ce sprint administratif ? Tout d’abord, il possède une bonne connexion internet, qui lui a permis de télécharger son dossier avant les autres. Les agriculteurs des zones blanches et grises, eux, n’avaient aucune chance. Ensuite, le lauréat bénéficie d’un réseau de conseillers, qui l’a appuyé dans la constitution de son dossier. Et là, la disparition des spécialistes machinisme dans de nombreuses chambres d’agriculture s’est payée « cash ». Car les adeptes du célèbre jeu télévisé le savent, l’appel à un ami est le meilleur joker pour gagner des millions.