Impossible de parvenir à la souveraineté alimentaire souhaitée par le président de la République, sans combler le gouffre abyssal de nos importations de protéines végétales : la France importe la moitié de sa consommation. Voilà le défi qui attend la stratégie nationale pour les protéines végétales présentée par Julien Denormandie, ce mardi 1er décembre 2020 (lire À la une, page 18). Didier Guillaume l’a maintes fois promis, mais il a fallu attendre le plan de relance présenté début septembre par le Premier ministre pour en connaître les grandes lignes, et deux mois supplémentaires pour le volet financier.
Mais au fait, de quelle autonomie protéique parle le gouvernement ? De celle des élevages français pour les rendre plus résilients ? Du développement de la production de protéines végétales dans l’alimentation humaine ? Des deux, avec un enjeu environnemental dans la ligne de mire du ministre de l’Agriculture et du gouvernement : celui de limiter la déforestation importée d’Amérique du Sud avec le soja, mais aussi de réduire la consommation d’engrais et de produits phytopharmaceutiques en développant la culture des légumineuses dans l’Hexagone.
Ce plan ne nous libérera pas du jour au lendemain de notre dépendance aux sojas et tourteaux américains ou brésiliens. Il est là pour rompre avec la dynamique installée ces cinquante dernières années. Voilà presque trente ans, l’Union européenne a même déroulé le tapis rouge au soja importé avec l’accord de Blair House, sacrifiant son secteur des oléoprotéagineux pour protéger sa production de céréales. Depuis, le déficit n’a cessé de se creuser. En juillet 2018 encore, la Commission européenne laissait entrer un peu plus le soja américain dans l’Union européenne, espérant une fragile trêve commerciale avec Donald Trump.
Espérons qu’elle tiendra ses engagements avec la prochaine Pac en ne lâchant pas les soutiens à la culture des plantes riches en protéines, qu’elle respectera l’engagement obtenu par la France lors du dernier Conseil agricole sur les aides couplées. Par-dessus tout, pour s’imposer dans les auges et les assiettes, les protéines végétales cultivées en France auront besoin d’être valorisées à leur juste prix pour les agriculteurs qui les cultiveront, comme pour ceux qui les utiliseront pour nourrir leurs animaux. Les filières, que les fonds débloqués par le ministère vont soutenir, ne doivent pas l’oublier : la valeur ajoutée dégagée, ça se partage !