Régularisation temporaire des sans-papiers en Italie, mesures pour favoriser le travail des étrangers en Espagne, acheminement de main-d’œuvre des pays de l’Est au Royaume-Uni et en Allemagne, ouverture des frontières pour les saisonniers en France…, un peu partout dans l’Union européenne les dérogations ont fleuri pour répondre à un besoin crucial : ne pas laisser dépérir les productions qui vont arriver à maturité dans les champs.

Cette situation nous renvoie à une réalité assez crue. Notre souveraineté alimentaire, si ardemment revendiquée, repose pour une large part sur des centaines de milliers d’emplois pas si faciles à pourvoir. Une indépendance en trompe-l’œil en quelque sorte.

À toute chose malheur est bon : le pragmatisme revient vite à l’esprit dans ces cas-là, y compris dans les instances bruxelloises, qui ont appelé les États membres à mettre en place les mesures de dépistage aux frontières­ pour faciliter la libre circulation des travailleurs saisonniers. Une façon diplomatique et pondérée de dire « ouvrez les portes » !

Sans trop de risque, on peut parier que ces assouplissements de bon aloi se montreront plus efficaces que les initiatives prises à travers diverses plateformes de recrutement pour mobiliser demandeurs d’emploi, chômeurs­ partiels, étudiants ou tout simplement citadins en mal de verdure à venir travailler­ dans des exploitations. Car, de la coupe aux lèvres, il reste parfois du chemin à parcourir…

Séduisantes sur le papier et parées de bonnes intentions avec parfois un brin d’idéalisme, ces mises en relation entre employeurs et candidats se sont, en effet, heurtées à des difficultés concrètes. Malgré des chiffres flatteurs en termes de candidatures, le nombre de contrats vraiment réalisés reste modeste. Beaucoup de volontaires et peu d’élus à l’arrivée. Il fallait d’abord trouver l’adéquation régionale offre-demande, cibler (un peu) les profils et puis et surtout passer par la case formation, même rapide, à l’emploi. Sans oublier l’assiduité­ au travail !

Car derrière des tâches qui peuvent sembler simples, se cachent souvent des savoir-faire et une dextérité que le premier venu n’acquiert pas forcément et dont la qualité des récoltes dépend. Derrière l’affect pour le monde agricole que ces opérations de recrutement ont révélé et le coup de pouce que cela a pu représenter çà et là, le décalage mérite d’être comblé. Moyennant quoi le retour à la campagne du « monde d’après » pourrait se faire sur un terreau plus fertile et avec moins de désillusions.