«Alors que nous sommes confrontés à une pandémie de Covid-19, nous sommes également à l’aube d’une pandémie de la faim. » Cette mise en garde choc, vertigineuse, a été lâchée le 21 avril dernier par le directeur du Programme alimentaire mondial (PAM), devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Selon David Beasley, « 135 millions de personnes sont déjà au bord de la famine et, à cause du coronavirus, il y aura 130 millions supplémentaires dans le même cas d’ici à la fin 2020 ». Pour le PAM, il existe un réel danger que l’impact économique du Covid-19 tue plus que le virus lui-même. À cause du confinement, qui a touché de nombreux pays dans le monde, des dizaines de millions de personnes ont perdu leur emploi et basculé brutalement dans la pauvreté. Privés d’écoles, ce sont aussi plusieurs centaines de millions d’enfants qui n’ont plus accès aux cantines.
Si la nourriture n’arrive plus suffisamment, c’est également à cause du ralentissement du commerce mondial : difficultés logistiques, de chargement dans les ports mais aussi restrictions à l’exportation. Quand ce n’est pas la fermeture tout court du robinet. C’est ce que vient de faire dernièrement la Russie avec ses céréales jusqu’au 1er juillet prochain afin de privilégier son marché intérieur. Et des pays asiatiques ont fait de même pour leur riz. Cette nouvelle alerte alimentaire nous rappelle que seule une poignée de pays sur l’échiquier mondial sont capables de fournir de la nourriture aux autres. Parce qu’à la base, les ressources agricoles sont inégalement réparties sur la planète. Et quand on est un pays comme la France, privilégié grâce à ses sols et son climat, et qui fait partie de ce tout petit « club » bien doté par la nature, on a une responsabilité internationale sur ce plan-là.
Que ceux qui prônent le repli sur soi réfléchissent bien aux conséquences humaines de leur discours et à l’instabilité géopolitique qu’il induit in fine. Que va-t-on dire à nos voisins du Maghreb ou aux Égyptiens structurellement déficitaires en céréales ? Qu’on leur ferme la porte au nez et qu’ils aillent voir ailleurs ?
La France, comme d’autres pays occidentaux, n’est pas épargnée par cette question alimentaire ascendante. Non pas pour une question de disponibilités, car on a vu que la chaîne d’approvisionnement a tenu chez nous. Mais parce que le confinement a été un facteur d’aggravation de la pauvreté, malgré les amortisseurs sociaux.
Pour certaines familles, le repas à la cantine était le seul repas équilibré qu’écoliers et lycéens mangeaient. En cela, des initiatives comme le « programme alimentaire régional » lancé en Ile-de-France, et construit avec les agriculteurs, semble aller dans le bon sens.