C’est une incursion inédite dans la jeune industrie des imitations de viande que nous vous proposons cette semaine. Une immersion qui risque de vous surprendre, ne serait-ce que par ses financements puisqu’on y trouve nombre de milliardaires américains issus de la Silicon Valley et des Gafa comme Sergey Brin (Google), Bill Gates (Microsoft), des acteurs (DiCaprio), des fonds d’investissement, sans oublier des géants de la viande comme Tyson Foods, JBS et Cargill qui ne veulent pas laisser passer le train (lire le dossier p. 66) ! Une vraie « Ersatz connection », d’ores et déjà puissante et influente, qui a aussi des ramifications jusque dans les associations animalistes (notamment L214), via une cascade de fondations. Au point que certains élus demandent, à juste titre, une mission parlementaire d’enquête sur le financement de cette nébuleuse.

Si l’alerte est sérieuse pour le monde de l’élevage et que les cabinets d’étude sont dithyrambiques sur les perspectives de substitution (100 milliards de dollars dans quinze ans pour JP Morgan, 140 milliards à dix ans pour Barclays et 35 % de la viande consommée dans le monde cultivée en laboratoire pour A.T. Kearney), la messe est loin d’être dite. Car même si ces entreprises s’autoproclament comme des parangons de vertu vis-à-vis de la viande (tout en la dénigrant au passage), la contre-enquête n’a pas encore été véritablement menée et les arrière-cuisines visitées. Pour l’instant, seuls les substituts végétaux de seconde génération sont arrivés dans les rayons et le marché français vient tout juste d’être testé, début février, via 500 magasins du groupe Casino.

Sans protéine animale mais singeant à s’y méprendre la couleur rouge sang pour les versions plus évoluées comme Beyond Meat ou Impossible Foods (via des astuces comme le recours au jus de betterave ou à la léghémoglobine de soja), ces alternatives vont devoir convaincre sur le plan culturel, gustatif et nutritionnel. Le burger Beyond Meat a, par exemple, cinq fois plus de sel qu’un burger de bœuf… Quant à la viande in vitro cultivée dans des bioréacteurs aseptisés, il est encore impossible d’en acheter de par le monde. Mais des critiques fondées commencent à être émises, comme celles du maître de recherches Éric Muraille, de l’Université libre de Bruxelles (1). Celui-ci estime que « la viande cultivée pose plus de problèmes qu’elle n’en résout ». Sont épinglés, entre autres, les facteurs de croissance dont des hormones anabolisantes utilisées pour faire croître les cellules.

Et quand on compte tout, et notamment le coût énergétique des infrastructures nécessaires aux cultures cellulaires, des études récentes suggèrent que son impact environnemental pourrait être supérieur sur le long terme à celui de l’élevage. Donc oui, il va bien falloir soulever tous les couvercles pour juger !

(1) theconversation.com

https ://theconversation.com/la-viande-cultivee-pose-plus-de-problemes-quelle-nen-resout-126662