Eurodéputé sortant, reconnu pour son expertise des dossiers agricoles, Michel Dantin a mis fermement en garde sur son compte Twitter, à propos de l’accord commercial UE/Mercosur : « Je rappelle qu’en avril 2018, lors d’une visite parlementaire d’audit au Brésil, nous avons eu la preuve que la traçabilité de la filière viande bovine n’est pas assurée ! » Dans un entretien à La France agricole, il revient justement sur cette mission officielle au cours de laquelle la vétérinaire chargée de cornaquer la délégation d’eurodéputés avait fini par admettre, lors d’une visite d’abattoir, qu’on ne pouvait pas remonter jusqu’à l’animal (lire page 19). Le rapport qui a fait suite a, selon Michel Dantin, « quelque peu ralenti les négociations ».
Pour l’instant, le Brésil apparaît, de fait, comme un maillon faible, non seulement sur ce point essentiel mais aussi sur certaines garanties sanitaires, encore loin des exigences européennes (là-bas, un poulet positif aux salmonelles peut être revendu sur le marché intérieur sous forme de produits cuits ou frits afin d’éliminer la bactérie). Une série de scandales successifs ont émaillé l’actualité ces dernières années, avec notamment la retentissante affaire « carne fraca » (viande avariée). Au printemps 2018, l’Union européenne a, du reste, fermé ses portes à l’importation de viande issue de deux conglomérats (JBS et BRF) impliqués dans cette fraude sanitaire. Des laboratoires ont masqué la présence de salmonelles et de faux certificats ont été délivrés. Un vaste réseau d’agents corrompus chargés de l’inspection sanitaire a été mis à jour.
Parmi les enjeux de cet accord, la question des contrôles et de la traçabilité apparaît donc centrale, d’autant qu’une partie des produits importés risque d’atterrir dans les plats cuisinés et dans la restauration collective. Sur Europe 1, la secrétaire d’État à l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, a « sorti les rames » pour rassurer sur ce point. Évoquant des inspecteurs de l’UE sur place qui vont s’assurer avant export du respect des normes sanitaires, elle a semblé zapper que cela existe déjà : le problème, c’est surtout que ces contrôles ne sont pas inopinés… De même a-t-elle évoqué une « task force au niveau européen qui ait la même puissance » que la DGCCRF. Il y a de quoi être circonspect lorsqu’on sait que, d’après un rapport sénatorial, entre 10 et 25 % des produits agricoles importés en France ne respectent déjà pas les normes imposées à nos producteurs ! Il ne faut pas pour autant se leurrer sur le moyen terme : les Brésiliens ont une volonté farouche de développer leur viande à l’export et finiront par s’adapter à nos normes. Et là, cela pourrait faire très mal.