Excès de confiance coupable ? Toujours est-il qu’en quelques mois, bien des certitudes concernant la capacité du secteur sucrier à affronter l’avenir ont volé en éclats.
Forts de leur envergure internationale et de leur compétitivité assise sur des terroirs productifs, nos champions industriels affichaient en effet un optimisme presque à toute épreuve à l’entrée de l’ère « post-quotas », à l’automne 2017. On se disait, sans doute naïvement, que le secteur s’était mieux préparé que le secteur laitier. À tel point que chaque groupe sucrier y allait de ses incitations aux producteurs à semer. Avec bon cœur et confiance, les agriculteurs ont suivi le mot d’ordre et les surfaces se sont accrues. Las, un coup de tonnerre venu d’Outre-Rhin a vite douché les ardeurs : le numéro un mondial Südzucker venait de sonner le tocsin de la fermeture d’usines, donc de l’abandon potentiel de zones de production plus ou moins excentrées.
Le fait qu’un groupe coopératif, en l’occurrence Cristal Union, s’engage maintenant lui aussi dans un processus de restructuration (lire page 19), élimine les espoirs d’une transition douce. Quant aux affirmations du numéro un français, le groupe Tereos, de ne pas toucher aux usines, sauf pour y investir, elles laissent plutôt de marbre.
Outre le fait que cet avatar sucrier concerne, par ricochets, beaucoup plus d’agriculteurs français que les milliers de planteurs directement touchés par les fermetures d’usines, il fait tomber la betterave de son piédestal. Jusqu’à ces derniers mois, le socle producteurs-transformateurs donnait l’image d’une forte cohérence, au regard des enjeux mondiaux du marché. Puissante et organisée, faisant envie, l’industrie sucrière n’en apparaît donc pas moins friable. Les conditions de la compétitivité d’un jour ne sont pas celles du lendemain face aux coups de butoir de nouveaux grands pays exportateurs, tels que l’Inde, qui n’ont pas de filière éthanol comme exutoire.
Ainsi, le fait d’avoir allongé les campagnes de récolte et de voir les usines tourner à bloc en France, se serait-il surtout traduit par le syndrome du hamster dans sa roue… Même si au passage les coûts de production ont baissé.
Une fois passée la crise de confiance et dans l’espoir, encore mince, d’un rééquilibrage rapide du marché, il va falloir vite mesurer les effets de cette désillusion sur les autres grandes cultures et certaines productions spécialisées. Dans ce sens, les emblavements de betterave jouaient aussi un rôle d’équilibre important.