Peut-on tout se permettre à l’égard des agriculteurs et s’improviser « justicier des campagnes » dès lors que l’on se revendique hostile aux produits phytosanitaires et que l’on s’estime porté par la contestation sociétale ? Peut-on laisser des associations « antitout » continuer d’attiser les peurs et pour certaines d’entre elles, comme les navrants « coquelicots », aller jusqu’à délivrer des incitations à la violence et des messages haineux ? (« Cognons sur les empoisonneurs » ont-ils posté sur Twitter, lire en page 18). On va finir par le croire tant personne au sein des pouvoirs publics ne se lève pour siffler la fin de la partie. Pourtant, une parole forte de l’État serait bien nécessaire en cette période d’escalade inquiétante.
Alors qu’il dit vouloir être un rempart contre l’agribashing, le ministre de l’Agriculture est attendu au tournant face à la multiplication des agressions physiques et verbales dont des agriculteurs sont victimes dans l’exercice de leur métier. Quoi qu’on pense des phytos, le fait de traiter reste une pratique professionnelle autorisée dès lors que l’on en respecte les règles. N’en déplaise à Eaux et rivières de Bretagne avec son appel à la délation vis-à-vis des utilisateurs de glyphosate, qui nous renvoie à des pratiques peu reluisantes de notre Histoire. Dans ce contexte délétère, quel est le sens de la banque de données phyto (achat-vente) descendant à l’échelle communale que le gouvernement veut mettre en place ? Il est probable, là aussi, qu’elle renforce encore la paranoïa ambiante et la stigmatisation.
Résultat de ce dénigrement permanent, sortir son pulvérisateur devient aujourd’hui un acte suspect et expose à différentes formes d’hostilité (photos, insultes, interposition physique), certains riverains n’hésitant plus à en venir aux mains. Comme le souligne le collectif « Sauvons les fruits et légumes », ceux-ci s’érigent en contrôleurs des pratiques en lieu et place des autorités compétentes. Rien de surprenant à cela puisque les associations qui les aiguillonnent se posent elles-mêmes ouvertement en challengers des autorités officielles…
Jusqu’à présent, les agriculteurs ont bien réagi en gardant leur calme et en portant plainte. Mais on n’est pas à l’abri d’un dérapage dans une telle ambiance. Il faut maintenant que la justice œuvre avec des peines dissuasives pour éviter que de tels précédents essaiment et que la campagne française se transforme en far west…