Ce qui devait arriver arriva : la présence fortuite de 0,005 % d’OGM dans des semences de colza Exception, commercialisées en France par Dekalb, a (re)ouvert la boîte des responsabilités à assumer lorsque survient un tel avatar. Ce n’est pas tant le 0,005 %, un taux somme toute faible, qui soulève l’émoi. Mais plutôt le cadre mal défini pour régler le préjudice aux agriculteurs concernés, qui laisse de nombreuses zones d’ombre (lire notre article en page 26). Dans ce contexte, qui brasse par ailleurs des échanges mondiaux de semences, les opposants aux OGM ont beau jeu d’arguer que les contrôles et les procédures ne sont pas à la hauteur des risques de dissémination.

Ce pavé dans la mare des OGM, dont l’acceptabilité reste toujours contestée, est dû pour une large part au manque de courage des autorités publiques européennes et nationales, qui n’ont pas finalisé le cadrage réglementaire de l’étiquetage des lots de semences contenant des OGM. La directive européenne censée préciser le seuil de contamination acceptable est, en effet, restée dans les cartons. Quant au législateur français, il s’est trop facilement retranché derrière le fait que la culture d’OGM n’était pas autorisée sur le territoire. Le décret d’application, devant fixer un seuil espèce végétale par espèce végétale, fut d’ailleurs une victime expiatoire de l’alternance politique de 2012.

Pas de texte de loi applicable et pas de dispositif assurantiel effectif… Tout semble indiquer que les autorités politiques et administratives attendent que la justice écrive la loi applicable, c’est-à-dire la jurisprudence, à l’aune de la résolution d’un conflit. En attendant, chacun – Administration et firme – essaie de se couvrir à sa façon en se dégageant le plus possible de sa responsabilité.

Au-delà du fait que l’affaire du colza Exception (le bien nommé !) représente un cas d’école qui révèle les failles du dispositif, elle laisse les agriculteurs démunis face aux éventuelles conséquences indirectes. Celles-ci ne sont pas facilement mesurables à court terme. Comme dans d’autres situations de règlement de dommages et intérêts, il conviendra de trouver le bon niveau d’expertise et de compétence, afin d’apprécier les préjudices éventuels. Sans parler du préjudice moral.

Dans cette affaire, il n’est pas sûr que le « bon pour solde de tout compte » puisse être signé les yeux fermés…