En France, une tonne de céréales sur deux et quatre litres de lait sur dix sont (encore) exportés. Mais derrière ces chiffres se cache une réalité plus inquiétante, le déclin persistant des exportations agricoles françaises. En l’espace de vingt-huit ans, notre pays a été rétrogradé de la deuxième place (derrière les États-Unis) à la sixième, tout en se faisant dépasser par les Pays-Bas, puis par l’Allemagne.
Fait sans précédent depuis plusieurs décennies, la France a, en 2017, acheté plus de produits agricoles aux pays européens qu’elle ne leur en a vendu. Avez-vous entendu nos gouvernements successifs s’alarmer de la situation, tenter d’inverser la vapeur ? Pas vraiment, tout juste vient-on de nommer un fédérateur à l’export (l’agriculteur Jean-François Loiseau, président d’Axéréal). Pour nombre de politiciens, ce qui fait sens aujourd’hui et ce qu’il faut accompagner, ce sont les seuls circuits courts, la conversion au bio, les labels. Comme si on pouvait finalement délaisser ce grand marché de masse, continuer de le considérer de manière péjorative, oublier ce qu’il pèse dans l’excédent commercial. Pourtant, on peut aussi monter en gamme sur le marché international !
Lors d’un colloque de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) sur les nouvelles routes de la soie, Carole Ly (FranceAgriMer) expliquait que, pour la viande de porc, « la Chine paie mieux qu’Intermarché ». Preuve que le commerce international n’est pas forcément synonyme de laminage des prix pour les producteurs.
Bien sûr, l’ouverture progressive des frontières et la dérégulation de la Pac ont compté dans notre dégringolade. Mais il n’y a pas que cela, sinon comment expliquer que les Néerlandais et les Allemands s’en tirent mieux ? Puisqu’il y a perte de compétitivité, ne faut-il pas chercher aussi du côté des coûts de main-d’œuvre, de la surtransposition de réglementations, de notre propension à nous tirer une balle dans le pied via des taxes que nos compétiteurs n’ont pas (la redevance pour pollutions diffuses - RPD phytos, par exemple) ? Comme le diagnostiquait récemment l’éleveuse Anne-Cécile Suzanne dans une tribune au Figaro : « Notre agriculture est malade et une de ses pathologies est claire : on lui impose beaucoup, en termes sociaux, environnementaux et sanitaires, tout en la mettant en concurrence directe avec des agriculteurs ultrasubventionnés et largement déréglementés. » Il y aurait une certaine cohérence si nous n’acceptions pas les produits qui ne respectent pas nos standards : mais regardons les OGM, on les interdit à la culture mais nous les importons. Que se passera-t-il à votre avis si le glyphosate est interdit en France ?
Arrêtons de créer nos propres distorsions de concurrence et de croire que les acheteurs internationaux rémunéreront les efforts que nous avons entrepris, mais dont ils ne sont pas demandeurs.