Pendant que le gouvernement britannique s’évertue à (re) construire une politique agricole nationale rabougrie, la Commission européenne, elle, fourbit ses armes pour l’après-Brexit, avec un trou annuel de plus de 12 à 14 milliards d’euros à combler.
Dans la contraction qu’ils opèrent à l’encontre de leurs agriculteurs, bien marris de devoir quitter cette Pac pourtant décriée, les dirigeants anglais ne manquent pas d’imagination : sous couvert de simplification, ils veulent centrer les aides sur les services rendus à l’environnement ou aux collectivités, avec une armada de conditions difficiles à remplir… Ne rions pas du malheur des autres !
À Bruxelles, l’exercice budgétaire auquel se livre l’instance européenne pour les vingt-sept États membres restant, n’est pas si éloigné que ça dans l’esprit. La Commission a en effet beau jeu de pointer les milliards évaporés à cause du départ britannique, pour redécouper les parts du gâteau. Passer de vingt-huit à vingt-sept n’est pas le principal motif d’une réorientation significative des fonds européens. Mais c’en est le prétexte idéal. Dans l’incapacité de trouver des ressources pour financer des domaines tels que la sécurité, la jeunesse ou encore la recherche, Bruxelles ne pouvait que s’attaquer aux principaux postes communs de dépense, dont l’agriculture. Ce n’est pas une surprise, tant les rumeurs de coupes sévères couraient depuis des mois. Avec un coup de rabot, de l’ordre de 10 %, du budget consacré à la Pac (inflation comprise), la brèche est cependant bien ouverte à une baisse des aides du même ordre de grandeur.
Si le pire n’est jamais sûr, on peut aussi concevoir cette proposition budgétaire de la Commission européenne comme une provocation, pour mettre les États membres face à leur choix. Elle est d’ailleurs coutumière du fait. Cela renvoie au choix d’augmenter ou pas la contribution de chaque pays, pour sauver ce qui peut l’être. La France, avec son très europhile président, y serait disposée officieusement. Reste à joindre le geste à la parole.