«C’est une tradition, dans la région lyonnaise, de déguster le cardon pour le repas de Noël. Cuisiné pour ses côtes, à la moelle, en gratin ou avec du foie gras, ce légume de la famille des artichauts est un mets délicieux », assure Pascal Bourguignon. Avec son frère Christophe et son fils Mickaël, ils en cultivent 4,75 hectares à Cailloux-sur-Fontaines (Rhône), à une vingtaine de kilomètres du centre de Lyon. « Il y a toujours eu du cardon sur l’exploitation. Mon père en produisait, en plus des céréales et du lait », explique-t-il. Depuis, les surfaces ont bien augmenté. « A mon installation, en 1981, nous avons arrêté l’élevage pour nous consacrer entièrement au maraîchage et aux céréales. Même si les salades et les épinards restent nos productions principales, le cardon a toute sa place dans nos rotations. C’est une culture intéressante, qui permet d’intensifier nos ventes en hiver. Elle représente, chaque année, un chiffre d’affaires avoisinant 100 000 euros », précise Pascal.
Semé en mai avec des graines produites sur l’exploitation, le cardon est récolté à partir de début novembre jusqu’à fin janvier. « 75 % de notre production est vendue entre le 15 et le 30 décembre », précise le producteur. Avant la récolte, des heures de travail sont nécessaires pour obtenir un légume parfait, aux longues côtes blanchies. Éclairci et arrosé jusqu’en septembre, c’est en octobre que le cardon entre dans sa phase la plus délicate. Il faut d’abord l’attacher à la main : il atteindra jusqu’à 1,50 mètre de haut pour une base de 30 cm de diamètre, puis le blanchir pour enlever son amertume et attendrir les côtes.
Deux techniques de blanchiment sont utilisées. « L’une se fait au champ, pour la production précoce. Il s’agit de protéger les cardes de la lumière, en les entourant d’une gaine en plastique noir. L’autre est réalisée en salle. Les plantes sont arrachées avec leur motte de terre humide et placées verticalement sur des palettes dans un bâtiment ventilé, à l’abri de la lumière. Cette technique nous permet de conserver le cardon pendant plusieurs semaines à l’abri du froid », explique Pascal. Cinq semaines de blanchiment minimum sont nécessaires. Un parage est également requis avant la commercialisation. Toutes les feuilles sont supprimées et les cardes effilées. Après cette étape, le poids varie de 1 à 2 kg par pied, alors qu’il était de l’ordre de 8 à 12 kg au moment de la récolte.
Une SARL en commun
Les cardons sont ensuite emballés individuellement dans des sachets en plastique, puis empaquetés dans des cartons de 10 à 12 kg. Sur les quarante salariés de l’exploitation, une vingtaine sont attachés à cette production d’octobre à fin décembre. Comme pour les autres légumes, les cardons sont vendus par la SARL Fraîcheur lyonnaise. « Nous avons créé cette société au début des années 2000 avec un maraîcher de l’Ain, dont l’exploitation est située à quelques kilomètres de chez nous. Plutôt que de nous concurrencer, nous avons préféré nous structurer », explique Pascal. La SARL commercialise uniquement les légumes produits par les deux structures, soit, au total, 200 hectares en salades, épinards, radis, oignons, choux, blettes, poireaux, navets… Un commercial gère les ventes auprès de la grande distribution et des grossistes. La SARL est présente sur le marché de gros de Corbas et travaille avec des marchands au détail et des magasins spécialisés. « C’est la SARL qui indique aux structures exploitantes ce qui doit être récolté, coupé et préparé. Sur nos exploitations, nous n’avons jamais de stock. Nous travaillons toujours en flux tendu », précise le maraîcher. Y compris avec le cardon.
Au-delà du traditionnel cardon frais, la SARL propose à ses clients des cardons en bocaux, déjà préparés et prêts à être consommés. « Nous travaillons avec une conserverie de Carpentras, à qui nous dédions 80 ares de cette production », ajoute-t-il. Si la culture du cardon reste marginale, locale et essentiellement concentrée dans la vallée du Rhône, Pascal Bourguignon assure que ce légume ancien reste une culture rentable, malgré ses exigences en main-d’œuvre. « Il a encore un bel avenir devant lui, dit-il. Avec ses nombreuses qualités nutritionnelles, c’est un légume qui mérite d’être connu et mangé à toutes les sauces ! »