La ferme du Clos d’Ancoigny se situe à mi-chemin entre les villages de Saint-Nom-la- Bretèche et Chavenay. Par beau temps, dans cette plaine vallonnée, on aperçoit le château de Versailles. C’est sur une parcelle de 6 hectares, que Xavier et Nadine Morize, la vingtaine, ont démarrée « sans réel projet en tête ». Quelques jours plus tôt, à l’été 1981, le petit Côme voyait le jour.

À cette époque, c’est un champ. Il n’y a ni hangar, ni stockage. Le couple s’endette avec des taux d’intérêt dispendieux, 10 % sur le foncier, 13 % sur le matériel. Il opte pour la libre cueillette de fraises et produit des légumes de plein champ pour une coopérative. Les jeunes époux accueillent leurs clients dans une cabane au bord de la route. Les outils sont remisés chez des voisins. Ils s’agrandissent, petite parcelle par petite parcelle, dans un rayon de cinq à dix kilomètres. Les fermes céréalières sont puissantes, l’urbanisation s’accélère, le foncier est une bataille. « Il fallait y croire car on était mal parti », soupire Xavier. De son côté, sa femme continue son travail salarié de manière à faire vivre la famille.

Fraises, maraîchage et arboriculture

L’autorisation de construire un hangar en 1995 permet d’ouvrir une boutique et redonne du souffle après quinze années difficiles physiquement et moralement. Pommiers, poiriers, de même que pêchers et abricotiers sont plantés. La tempête de 1999 fait vaciller l’entrain, les serres sont totalement détruites. La cueillette libre est peu à peu abandonnée. « Les gens ne venaient plus pour y faire leurs conserves, mais pour se balader et manger gratuitement », regrette Côme. Il revient à la ferme en 2006 avec deux BTS agricoles en poche et après six mois passés au Québec. Il s’installe alors en grandes cultures, non sans difficultés, sur une quarantaine d’hectares. Il s’associe en Gaec avec ses parents. « Son arrivée nous a remis sur les rails », souffle son père.

Conservation des sols

Très vite, Côme est attiré par la conservation des sols. Il débute sans matériel spécifique et travaille avec un voisin, avant d’acquérir un semoir en 2017. Les semis de couverts dans les orges ou derrière la moissonneuse sont parfois difficiles à caler dans le calendrier, mais le jeune exploitant assure « gagner du temps », faire des économies de carburants significatives, et y trouver une « éthique ». Une méthode que son père, pour qui « l’heure de la retraite n’a pas encore sonné », regarde avec circonspection. « C’est certainement dû mon âge, mais j’accorde de l’importance aux labours. Et puis, quand je regarde certains champs, cela me fait peur », confesse-t-il, tout en avouant que « cela fonctionne quand même ».

« Nous n’entronsdans aucune case »

Ils « s’entendent bien dans le travail », comme un père et son fils, avec « un coup de calcaire une fois par an ». Des conflits de génération, mais surtout beaucoup de fierté. « On essaye d’innover. Quand on a une idée, on se dit banco. Il faut que ça marche sans passer par l’étude de marché », s’amuse Xavier.

Son fils préfère parler de « perpétuelle évolution ». Les deux aiment à préciser qu’ils n’entrent dans aucune case : « Pour les céréaliers, nous sommes des maraîchers, pour ces derniers, nous sommes des agriculteurs, et pour les arboriculteurs, nous sommes des céréaliers. » L’hyperdiversification a ses avantages, surtout avec les accidents climatiques de ces derniers temps. Mais entre le maraîchage tout au long de l’année, le rythme des arbres fruitiers et les pointes de travail en grandes cultures, la gestion du temps doit répondre à un savant équilibre. « Tout le monde s’occupe d’un peu tout », selon la météo et les impératifs du commerce.

Il faut aussi accompagner l’équipe salariée, qui grandit d’année en année. « On est parti d’un champ et on transmet une affaire ayant toute sa place aujourd’hui », se réjouit Xavier. L’engouement pour l’approvisionnement local sourit à la ferme du Clos d’Ancoigny, qui a eu un temps d’avance dans ce bassin parisien longtemps réservé aux minotiers.

Pauline Bourdois