«Nous sommes prêts à affronter l’avenir, lance Sylvain Pimont avec un sourire. En nous préparant, le virage de la raréfaction des ressources sera plus facile à prendre. » Cet agriculteur de 42 ans améliore sans cesse son système en polyculture-élevage. Installé au sud de l’Indre, à Chazelet, il cherche à être autonome pour ses différents ateliers : 200 vaches limousines, 460 ha de prairies et de cultures et trois gîtes.

Électricité et chaleur

Après un passage en bio en 2009 et la construction d’une cuve enterrée de 200 000 l pour récupérer l’eau des toitures, Sylvain Pimont se lance dans un vaste programme énergétique. Il mise d’abord sur l’électricité, avec une éolienne (12 m de haut et 5 kW) qui produit 3 500 kWh/an. Elle n’est pas reliée au réseau mais alimente les bâtiments de la ferme et la fabrique d’aliments. Grâce à l’autoconstruction (terrassement et montage), Sylvain n’a investi que 10 000 €.

En 2013, l’éleveur rénove un bâtiment pour son atelier de mécanique et installe 9 kWc de panneaux photovoltaïques. Le tarif d’achat est alors à 36 c€/kWh. Les 10 000 kWh produits chaque année sont vendus à EDF, mais équivalent à l’approvisionnement de l’atelier mécanique et de la maison de Sylvain, d’Anne et de leurs quatre enfants. Ils sont ainsi autonomes en électricité. En 2017, l’énergiculteur investit dans 36 kW de panneaux photovoltaïques sur un bâtiment d’un second site. Puis, en 2018, deux fois 100 kW sur la stabulation et le bâtiment de stockage, vendus respectivement à 18 et 14 c€/kWh. « Même si les tarifs d’achat sont à la baisse, la rentabilité est bonne car l’investissement a beaucoup diminué. L’implantation des panneaux m’a coûté 100 000 €/bâtiment, soit 1 €/Wc. Le résultat net, après amortissement et entretien, est de 8 000 €/an pour les 200 kWc », estime Sylvain. Au total, 250 kW sont installés sur la ferme.

Après l’électricité, c’est au tour de la chaleur. Dès 2012, Sylvain remplace le brûleur à gaz de la cellule sécheuse de céréales par une chaudière à plaquette forestière (750 kW). Depuis un an, il s’est également équipé d’une chaudière à bois déchiqueté (70 kW) qui alimente des bâtiments de l’exploitation, un séchoir mobile et les habitations (gîtes et maison) via un mini-réseau de chaleur. Pour la matière première, l’agriculteur valorise ses haies. « La MAE “entretien des haies” à 0,36 €/ml/an est un bon coup de pouce. » Au total, la ferme « Les Jariges » consomme 250 m3 de bois par an et économise environ 15 000 €/an par rapport au gaz et au fioul.

En 2019, Sylvain s’est lancé dans une nouvelle aventure, la méthanisation. « Nos sols possèdent un faible potentiel, 50 q/ha de moyenne en blé conventionnel. Le digestat nous permettra de mieux gérer la matière azotée, d’obtenir une qualité homogène et des rendements réguliers. » Bien que la canalisation de gaz de GRDF soit à 9 km, Sylvain a opté pour l’injection (115 Nm3/h), avec une ration à base de cultures intermédiaires (4 000 t – la surface de méteil de 71 ha va doubler), de fumier de bovins (2 500 t), de déchets verts et d’issues de silos.

Méthanisation simple

La technologie du méthaniseur Hochreiter est la plus simple possible. Une cuve enterrée réceptionne de la matière brute, non broyée, qui est brassée lentement pendant un temps de séjour très long, 230 jours. Cela permet des économies d’énergie et une production maximale de méthane, mais engendre des coûts de génie civil plus importants. Sylvain a investi près de 3,7 M€, en comptant le matériel et le temps de main-d’œuvre. Il a bénéficié d’environ 10 % d’aides de la Région et de l’Ademe. Le retour sur investissement est estimé à huit ans. Un salarié est employé pour gérer le méthaniseur. « Nous préférons embaucher plutôt que d’avoir recours à des prestataires. »

Sylvain réfléchit à la création d’une station bio GNV pour produire son propre carburant et alimenter de futurs véhicules extérieurs. Il a déjà réduit sa consommation de gasoil de 15 % en travaillant moins ses sols, un défi en agriculture bio. Avec tous ces investissements, l’exploitation est endettée, mais cela ne fait pas peur à Sylvain et à Anne. « La banque nous a suivis car elle a compris la cohérence du projet. La diversité des activités assure notre équilibre. »

Texte et photos Aude Richard